Prologue

7.6K 468 266
                                    




Tic-tac. Tic-tac.

Les seuls bruits qui résonnent entre ces quatre murs glacials, ce sont ceux des aiguilles de l'horloge murale. Elle est dépourvue de tout ornement comme le reste de la pièce et comme le reste du commissariat. Un frisson désagréable remonte le long de mon épine dorsale et je me recroqueville un peu plus sur ma chaise.

Si seulement je pouvais disparaitre à cet instant, me réveiller, sortir de ce cauchemar et me rendre compte que ce n'était que ça : un foutu cauchemar. Mais c'est impossible, l'horreur qui a eu lieu est intimement liée à mon présent.

Mes yeux éteints fixent mes mains posées sur la petite table en métal. Mes ongles sont à moitié arrachés mais je ne m'attarde pas dessus. Je me focalise sur le sang séché qui recouvre ma peau. Je peux presque en sentir le gout métallique à l'arrière de ma langue.

Oh oui, l'abominable vérité s'impose à moi. Je ne suis pas au milieu d'un cauchemar. Je suis bien éveillée et je n'ai pas le choix que d'affronter ce qui s'est passé. Ce que j'ai fait. La vie que j'ai prise tandis que l'on me dépouillait de mon âme contre ma volonté.

La porte sur ma gauche s'ouvre dans un grincement et je fixe l'inconnu qui pénètre dans la pièce. Le type d'une cinquantaine d'années tient un calepin de sa main droite, un stylo de sa main gauche. Il doit voir quelque chose de vraiment particulier triste sur mon visage car il s'immobilise une seconde sur le seuil, le regard presque aussi hanté que le mien.

Ça doit être l'effet des bleus sur mon visage. Ou peut-être de ma lèvre fendue. En pensant à cette dernière je sens la douleur me réveiller. Mais je la laisse m'envahir, elle m'aide à tenir et à me rendre compte que je suis bien vivante.

Que j'ai survécu. Dans quel état je me trouve ? Ah. Ça. C'est une autre histoire.

Mon ventre me brûle et je ne vous parle pas des autres parties de mon corps.

Le policier s'avance doucement dans la salle. Si doucement que je me demande s'il ne veut pas éviter de m'effrayer. Il ne sait pas que je ne ressens plus la peur depuis bien longtemps.

Je ne ressens que la douleur qui me brûle de l'intérieur.

Douce, douce douleur, rejoint ma barque et aide moi à naviguer en eaux troubles.

Le type pose son carnet et son stylo sur la table entre nous puis tire sa chaise en face de moi. Je continue d'analyser ses faits et gestes. Il se gratte la gorge, tire sur ses cheveux gris avant de pousser le plus long soupire que je n'ai jamais vu.

- Bonsoir Milhena, je suis l'inspecteur Tate, il se présente doucement.

- C'est Hena, ma voix cassée le coupe. Juste Hena.

Plus jamais Milhena.

Je penche ma tête sur le côté, observant les rides qui se creusent sur son visage. Celle entre ses sourcils se démarque un peu plus des autres tandis que je reste silencieuse. J'ignore pourquoi je m'attarde sur ce détail insignifiant.

Mais une question tourne en boucle dans ma tête et la réponse m'est vitale. Alors mes lèvres meurtries s'ouvrent.

- Où est mon frère ?

Ma voix est rauque tant j'ai crié ces dernières heures. Les traits du visage de l'inspecteur s'adoucissent et il pose ses deux mains à plat sur la table, en évidence. Je sens mes muscles se tendre. Je n'ai qu'une envie : prendre la fuite. Sauf qu'il n'y a aucune issue qui s'offre à moi.

- Votre frère va bien. Il est actuellement en train d'être examiné.

Examiner. Ils sont en train de l'examiner.

TOXIC HELLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant