Lost Theater

Chapitre II : Le Théâtre des rêves

Un souffle puissant me décoiffa et je du plisser les yeux pour les garder ouverts. Une odeur de cave se dégageait de l'ouverture, mélange de poussière, d'humidité et de moisissure noble. Je n'osais pas avancer, faire un pas dans l'inconnu et me lancer dans l'obscurité. Tout s'était passé comme dans un rêve et j'avais du mal à comprendre cette situation extraordinaire. Ce fut Alan qui me ramena à la réalité.

« Toutes mes excuses, c'est toi qui avais raison, il y avait vraiment une porte ! »

Alan et Darren l'examinaient avec incrédulité. Darren en était même bouche bée et c'était la première fois que je le voyais se départir de son flegme habituel.

« Comment t'as fait ça ? T'es magicien ou quoi ?

— Je ne sais pas vraiment. » Admis-je ? « J'ai juste glissé la clé dans la serrure et ça s'est ouvert tout seul.

— Mais il n'y avait pas de serrure quand j'ai regardé... Y avait rien, à part un putain de mur...  »

Ils restaient là, le regard aimanté par la porte sans savoir quoi faire. L'écoulement automatique de la pissotière se mit en marche et je me retournais en sursaut. J'avais complètement oublié la présence d'une autre personne dans les toilettes. Le jeune homme s'approcha de moi en sifflant d'admiration, les yeux roulant dans ses orbites. Il avait la même odeur de moisi que les ténèbres qui me faisaient face.

« J'avais jamais rien vu de pareil, dit-il. C'est le truc le plus improbable dont j'ai été témoin. Quelqu'un sait ce qu'il y a de l'autre côté ?

— J'en ai aucune idée, mec.  » Lui répondis-je.

« Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir. » Assura Darren en allumant le flash de son téléphone portable et en faisant un pas dans la pièce inconnue.

À peine passa-t-il la porte que la lumière s'éteignit. Il tenta de la rallumer en maugréant, mais son portable ne fonctionnait plus. Il revint dans les toilettes et le téléphone se ralluma presque aussitôt. Darren repassa la main de l'autre côté de la porte et le téléphone cessa de fonctionner à nouveau. Son frère décida de reproduire l'expérience avec le même résultat.

« C'est dingue ce truc. On dirait qu'il y a un champ magnétique qui éteint les téléphones.

— Attends, je crois que j'ai une idée, le coupa Darren. Je dois aller chercher un truc dans mon blouson. Pendant ce temps-là, bloquez la porte. Personne ne doit voir ça ! »

Je suivais ses instructions et m'installais contre la porte des toilettes pour en empêcher l'ouverture. Personne n'essaya de rentrer jusqu'à ce que Darren ne toque.

« C'est moi ! » murmura-t-il à travers la porte de verre translucide. Il entra en brandissant fièrement son Zippo. Quand il le passa à travers l'ouverture, la flamme continua à onduler avec fluidité.

« C'est bon, ça marche. »

Il fit un pas dans l'obscurité avant de s'y fondre complètement. Alan le suivit et disparut à son tour.

« Après toi, mec. » M'invita l'inconnu.

Je passais de l'autre côté et il me suivit. La porte se referma doucement derrière lui ne laissant filtrer qu'un rectangle flou et blanchâtre dans l'obscurité qui disparut bientôt. La terreur d'être enfermé et de ne pas avoir d'issues m'envahit et, le souffle coupé, je me jetais sur la porte. En tâtonnant, ma main trouva une poignée en métal, et j'appuyais dessus avec insistance. La porte s'entrouvrit sans bruit et j'expirai d'aise, rassuré.

Alan et Darren étaient quelques mètres devant nous et je percevais l'aura tremblotante de la flamme du Zippo qui dansait dans tout les sens. Nous nous approchâmes d'eux.