Chapitre III : Quatre garçons plein d'avenir

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Je me réveillais en sursaut, l'esprit embrumé et la bouche pâteuse. Mes yeux eurent besoin de plusieurs minutes pour s'habituer à l'obscurité et je restais immobile. Autour de moi, le silence était total. Je percevais bien quelques bruits de respiration, mais je n'arrivais pas à les situer dans l'espace. J'entendais mon cœur battre et mon corps se mit à tressauter en rythme avec lui. Un sifflement d'abord ténu, puis montant en intensité me perçait les tympans. Je sentais la panique creuser son terrier dans mon estomac et j'avais envie de hurler, mais aucun son ne sortait de ma bouche. Où étais-je ? Je ne m'en souvenais pas, mais j'étais à peu près sûr de ne pas être chez moi. Je me raclais la gorge et quelqu'un grogna à côté de moi. J'en reconnus aussitôt l'auteur, car c'était un des bruits caractéristiques que produisait mon colocataire. Tout me revint subitement. Le théâtre, mes amis, la soirée précédente passée dans ce lieu.

« Les mecs, vous êtes réveillés ? » demandais-je à tout hasard, les cordes vocales engluées par la peur.

Je ne reçus pour seule réponse qu'un autre grognement. Je restais immobile et silencieux encore quelque temps avant de me décider à me lever. Mon dos craqua et je sentis mon corps endolori par les sièges peu confortables résister à l'impulsion que je lui donnais. Je m'arquais et me reposais sur un bras avant de pivoter et de poser les pieds par terre. Je perçus un mouvement derrière moi et me retournais. La silhouette imprécise d'Alan me demanda l'heure qu'il était d'une voix ensommeillée.

« J'en sais rien, j'ai pas de montre. Darren t'es réveillé ? »

Darren expira bruyamment et je l'entendis se gratter la tête.

« Maintenant oui... et non j'ai pas l'heure non plus. »

— C'est bizarre... » maugréa David quelque part dans l'obscurité. « Ma montre s'est arrêtée.

— Bon, bah je crois que le seul moyen de le savoir, c'est d'aller jeter un coup d'oeil dans le pub. »

Alan poussa un long bâillement et je l'entendis glisser une main dans son pantalon et se gratter le pubis.

« Ouais, donne-moi deux minutes et je t'accompagne.  » Dit-il sans conviction.

Je m'étirais à nouveau en bâillant et mes vertèbres craquèrent l'un après l'autre, me procurant une sensation de relâchement. Les voix de mes amis avaient fait rentrer ma peur dans son terrier.

« Putain, j'ai jamais aussi mal dormi de ma vie... On aurait du aller visiter les balcons voir si les sièges y sont plus confortables. » Nota Darren.

« Ouais, t'as raison, on verra ça la prochaine fois... Bon on se bouge ? » Demanda David.

Je le sentis passer dans mon dos moi, traînant derrière lui un courant d'air froid qui me fit frissonner, puis remonter l'allée en direction de la porte. Je me levais à mon tour et m'appuyant contre le mur du couloir je lui emboitair le pas en tâtonnant. Alan et Darren m'imitèrent. Quand David entrouvrit la porte, la clarté qui provenait des toilettes nous permit de trouver plus facilement notre chemin. Il jeta un œil par l'ouverture puis ouvrit en grand, nous faisant signe de le suivre.

« Ça va, il n'y a personne. »

Quand je pénétrais dans les toilettes, la lumière artificielle des néons me brûla les yeux et je me couvris instinctivement le visage d'une main.

Darren referma la porte derrière lui avec précaution, juste à temps pour que la personne qui venait d'entrer dans la pièce ne le voie faire. Je sursautais en l'apercevant, ayant oublié la possibilité de l'existence d'autres êtres humains que nous quatre.

Il s'agissait d'un homme à la carrure imposante vêtu d'un polo trop serré, dégarni, les oreilles décollées et de petits yeux porcins enfoncés dans l'arrondi de son visage rubicond. Ce type était presque une caricature de l'anglais moyen, pensais-je. Il nous observa quelques instants sans rien dire, le sourcil dubitatif.

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