BOUQUETS OU BOUQUINS ?

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Gabrielle aplatit pratiquement son réveil lorsque ce dernier sonna pour la énième fois. Elle s'étira et leva les yeux vers la fenêtre pour se rendre compte que l'aube pointait déjà à l'horizon. Elle bailla longuement puis se décida à quitter son lit douillet.

Il faisait frisquet ce matin-là. Une agréable fraicheur qui n'encourageait pas à quitter le lit. Gabrielle n'avait cours qu'à dix heures et avait promis à Prunelle Dean, la jeune afro-américaine qui la secondait au Flower de passer prendre connaissance de l'évolution des travaux de réfection et des activités en général.

L'ancien propriétaire du Flower Garden, un vieil ami à sa mère, avait cédé son entreprise à cette dernière quand les temps étaient devenus difficiles pour lui. Le père de Gabrielle, Darile Grey, avait ensuite entrepris des démarches pour que ce soit elle qui tienne l'établissement suite à la disparition de sa mère. Ce ne fut pas chose facile au début, c'était un lieu symbolique et pratiquement tout ce qui restait à Gabrielle de sa mère. Elle avait fini par en faire sa passion, persuadée d'honorer ainsi la mémoire de celle dont elle n'avait maintenant pratiquement plus de souvenirs.

Gabrielle songea alors que cela faisait des lustres qu'elle n'avait plus revu son père. Darile avait été admis à la section cybercriminalité du FBI quelques mois auparavant et sa présence était devenu un luxe que Gabrielle ne parvenait plus à s'offrir.
Elle avait fini par se lasser des promesses non tenues et s'était convaincue que s'il était trop occupé pour lui accorder de son temps alors elle le serait tout autant.

Mais Gabrielle avait tant besoin du soutien moral de son paternel. Elle sortait d'une période difficile et aurait aimé que quelqu'un d'autre que Kriline l'accompagne à sa thérapie avec le Docteur Denis Klein. Bien qu'elle ne s'en plaignait pas. À la base, son état était si grave que la thérapie s'imposait, puis ça a commencé à s'améliorer petit à petit.
Ses cousines étaient des filles géniales et Gabrielle avait pu retrouver un semblant d'équilibre. Elle devait même avouer s'être autorisé à manquer quelques séances récemment.

Mouais, mais c'était pour la bonne cause !

Kriline était d'ailleurs devenue de plus en plus réticente avec la résurgence de violence à l'encontre des modifiés ces derniers jours. Il fallait dire que ça devenait tendu et le discours clivant de la classe politique n'arrangeait rien. Gabrielle noya ces inquiétudes en rinçant sa figure au lavabo de sa salle de bain. Elle examina le visage de jeune fille veloutée que lui renvoyait son miroir : son joli minois, ses grands yeux bleus, ses lèvres incurvées, et songea à l'armée qu'il faudrait déployer pour remettre de l'ordre dans sa tignasse dorée, touffue et échevelée comme une motte de foin.

Pourquoi on ne pourrait pas se réveiller avec la même gueule qu'en se couchant ? Ou serait-ce ma tronche des jeudis soir?

Je hais les vendredis ! pesta-t-elle encore en s'aspergeant la figure.

Kriline devait se rendre au boulot et était probablement déjà débout à cette heure, songea Gabrielle. Nelly, véritable marmotte, devait obligatoirement être réveillée, sous peine d'avoir des ennuis à la fac. L'un de leurs professeurs, monsieur Jacquard, un français d'une rigueur qui ferait passer Kriline pour une grand-mère, avait une sainte horreur des retards. Ce sadique avait érigé la ponctualité au rang de science, son quinzième nendô.

Gabrielle sortit de la douche dix minutes plus tard puis enfila ses vêtements. Un sweat à capuche gris avec marqué dessus « Born in the eighties » ainsi qu'un survêt moulant noir. Elle se brossa grossièrement les cheveux, sauta dans ses mocassins puis se précipita à la cuisine. On ne pouvait pas dire qu'elle faisait grand cas de son apparence lorsque son ventre affamé réclamait sa pitance. Elle dévala quatre à quatre les escaliers en direction de la cuisine avec la ferme intention de faire un carnage.

Wãlden - Tome 1: HégémonieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant