VINGT-QUATRE GAYLEY AVENUE

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Le 24 n'était pas bien grand comparé aux autres maisons qui bordaient la Gayley Ave mais était tout de même d'un standing acceptable pour d'honorables célibataires. Il comptait une bonne douzaine de pièce sans oublier un extérieur très richement décoré. Cela était profitable d'avoir une fleuriste chez soi. Surtout si elle savait s'improviser jardinière ou décoratrice d'extérieur à ses heures.

L'intérieur du 24 était décoré au goût de Kriline : classe, sobre et moderne. Même si certains éléments, comme le grand pendule du salon, faisaient un peu vieillots. Mais il avait une valeur sentimentale pour la maitresse « attitrée » des lieux. Les filles étaient passées de la maison familiale de Boston, lourde de souvenirs et d'émotions, à la leur : petit jardin privé de Los Angeles à Westwood, synonyme de liberté et d'évasion.

Kriline avait décroché une offre inespérée lors de son arrivée sur la côte ouest après avoir été embauchée au poste de documentaliste au Hammer Museum. Les filles s'y étaient installées depuis peu mais y trouvaient déjà leurs repères. Les deux jeunes avaient intégré le campus de UCLA et Gabrielle avait repris une affaire familiale non loin de là. Les débuts étaient timides mais la blonde était une bosseuse, l'avenir s'annonçait prometteur.

Gabrielle était du genre pragmatique et dégourdi. Grâce à son petit business rentable, elle était en mesure d'épauler sa cousine lorsqu'il s'agissait de régler les factures. Elles divisaient et payaient les charges à deux. Nelly, elle, profitait en générale de la vie en apportant sa dose de bonne humeur et de folie.

- Hop là !

Nelly venait de grimper joyeusement sur le dos de sa sœur comme si elle était une gamine de neuf ans. Kriline était de dix ans son ainée et pouvait passer parfois pour sa mère mais la comparaison s'arrêtait là. D'ordinaire, Kriline était quelqu'un de froid et d'autoritaire qui collait parfaitement au rôle de grande sœur intraitable.

- Tu vas me briser le dos avec tes deux cents kilos ! protesta Kriline.

- Soixante kilos ! rectifia cette dernière de sa voix claire et enfantine. Et ce ne serait que justice...

Arrivée dans le salon, Kriline l'éjecta de son dos et la balança dans le canapé en velours du salon.

- Aïe ! Mon dos est tout endolori par ta faute ! lui signifia-t-elle en fronçant les sourcils.

- Ah oui ? fit Kriline d'une voix taquine.

Elle se jeta sur sa sœur et s'ingénia à lui chatouiller les côtes de telle sorte que celle-ci riait et gémissait de douleur en même temps. Gabrielle, elle, se dirigea vers le réfrigérateur après avoir traversé le séjour et la salle à manger.

Contrairement aux américains en général, les filles dînaient dans leur salle à manger, sauf peut-être le matin lors du breakfast. Gabrielle alla se servir une bonne bouteille d'eau énergisante. Elle ne put s'empêcher comme à son habitude de chiper une tartelette dans un bol laissé sur le plan de travail.

Avec sa démarche sportive accentuée par sa ta taille de guêpe, Gabrielle qui avait tiré sa chevelure blonde en arrière en une queue de cheval et aussi écarté les mèches qui lui balafraient la figure, rejoignit ses cousines qui avaient cessé leur jeu de mains puéril et discutaient maintenant à basse voix.

Dès qu'elle arriva, Gabrielle leur balança deux bouteilles d'eau chacune ainsi qu'une canette de soda.

- Merci, Gabrielle, lui lança Nelly en vidant sa bouteille comme une damnée.

- Qu'est-ce que j'ai faim ! gémit Kriline. Bon, on prend une bonne douche et on se retrouve pour le petit dej. 'Kay ? piailla-t-elle en prenant une tonalité tellement anglo-saxonne.

Wãlden - Tome 1: HégémonieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant