UN PETIT PAS POUR L'HUMANITÉ...

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Le premier vol en partance de Seattle n'était pas disponible avant quatorze heures, Gabrielle devrait donc prendre son mal en patience. Elle disposait de trois heures de libre qu'elle passa essentiellement à Morganfield. Ses réservations faites, Gabrielle prit le volant de la Caballero direction LAX. Elle en avait pour deux heures de vol jusqu'à Seattle.

L'avion atterrit à seize heures trente-huit à Boeing Field. L'aéroport la frappa par ses dimensions et son architecture, même si LAX devait avoir à peu près, si pas plus, les mêmes proportions. Gabrielle n'avait jamais mis les pieds à Seattle, pas dans ses souvenirs en tout cas. La ville était d'une quiétude apaisante. Gabrielle s'arrêta sur les rives de Seward Park pour admirer la vue du crépuscule sur le lac Washington.

Il lui fallait maintenant se rendre à Washington University sur Union Bay. Son taxi longea, à sa demande, la rive du Lac Washington par Lakeside Ave. Le reflet du soleil couchant sur le lac était d'une beauté fascinante. Il lui semblait impossible de s'en accoutumer. La pureté de cet instant unique la laissa rêveuse tout le long du trajet alors que, doucement, les immeubles revêtaient leur manteau lumineux scintillant et que les lampadaires s'égaillaient à la tombée de l'obscurité.

Lorsqu'elle arriva devant les installations abritant le laboratoire de recherche, le soleil mourait déjà dans le ciel et projetait une lumière colorée sur la ville de Seattle. Le centre de recherche était un endroit hautement intimidant, d'une propreté irréprochable. Derrière la longue grille noire faite de barreaux aux motifs spiralés, un vaste jardin très bien entretenu, parsemé d'arbres aux branches défeuillées, cachait avec panache une grande bâtisse victorienne d'un aspect de bibliothèque ou de musée. Il y régnait un silence de monastère et seul le vent dans les arbres venait briser cette harmonie d'une austérité repoussante.

Gabrielle se présenta à la logette de sécurité et exhiba sa carte d'étudiante. Le vigil la dévisagea longuement puis attrapa un combiné pour prévenir le professeur Hill. Gabrielle fut soulagée d'entendre sa voix venir troubler le calme plat qui régnait en cet endroit.

Pas mécontente de quitter le garde pas trop sympathique, elle gagna l'accès qu'on lui indiqua avec impatience, espérant de tout cœur ne pas se perdre et que le bâtiment n'était pas équipé du dernier système de détection des modifiés.

Pour que demeure le secret, je tairais jusqu'au silence !

Elle avança à grand pas, d'une démarche sportive. Ses vêtements amples la faisant pratiquement flotter à chacun de ses pas aériens. Les rares personnes qu'elle croisait la reluquaient d'un air perplexe. Avec sa tenue décontractée, sa chevelure sauvage et ses innombrables bracelets qui lui donnaient l'image d'une hippie moderne, le style de Gabrielle dénotait d'avec l'atmosphère ascétique du centre.

Gabrielle inspectait les écriteaux des différentes portes d'un air circonspect tout en avançant dans le couloir mal éclairé et frigorifié qu'elle venait d'emprunter.

- 29c, lu-t-elle à haute voix en fourrageant dans son sac à la recherche de son portable.

Elle cogna puis poussa la porte de la pièce pour y découvrir le professeur Hill de dos sur un fauteuil de bureau en face d'un vaste écran d'ordinateur qui projetait sur lui une lueur argentée. Vraisemblablement, il était seul dans la salle. Gabrielle toussota pour s'annoncer.

Le professeur se retourna avec l'air le plus sévère qu'elle ne lui ait jamais vu, Gabrielle en eut des frissons. Après avoir ajusté ses lunettes, et certainement l'avoir reconnue, ses traits serrés se changèrent en un sourire amical et jovial.
Le professeur Hill était vêtu d'une blouse blanche sur laquelle était inscrite le nom du centre et le sien. L'ouverture de la blouse laissait deviner une chemise à carreaux rouge et noir par-dessus un polo d'une blancheur éclatante. Son pantalon beige suranné renforçait cette impression de brillant professeur un peu ringard que donnait Hill.

Wãlden - Tome 1: HégémonieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant