Chapitre trois

199 13 0
                                    

Chapitre trois

Je fus sorti de mon sommeil par les bruits ambiants, qui trahissaient une grande agitation dans la pièce. Ils étaient d'abord calmes et comme pressés, puis l'un d'eux se détacha de cette monotonie et ressemblait bien plus à un cri de surprise, aigüe. J'ouvris mes yeux et me retrouva nez à nez avec la Pythie.

— Voilà un réveil bien singulier et étrange, ne penses-tu pas Pythonisse ? la questionnai-je.

— Mais qui a déclaré ce qui était étrange et ce qui ne l'était pas ?

— Je dois avouer qu'une fois encore, tu me fais perdre mes mots, plaisantai-je.

— Devrais-je en être fière, dans ce cas ? me demanda-t-elle avec la même uniformité qu'à l'ordinaire.

— Pourquoi ne devrais-tu pas l'être ?

— Mais pourquoi le serais-je ?

— Ah ceci, il n'y a que toi qui puisses nous apporter une réponse. Alors, pourquoi ?

— Je pense que j'y songerai plus tard. Je ne puis vous accorder une réponse satisfaisante, tout de suite, m'expliqua-t-elle avec sérieux.

— Et je suis sûr que tu en trouveras une de correcte. Maintenant, et si nous déjeunions ? J'ose espérer que vous ne l'avez pas déjà pris, adressai-je aux trois femmes de la pièce.

— Nous attendions que vous vous réveilliez, maître, assura Eleni.

— Vous joindriez-vous à nous, chère Pythie ?

— J'imagine que cela ne me causerait rien de mauvais, finit-elle par répondre quelques instants après que son ventre ait déclaré son besoin urgent de nourriture.

— Voilà qui est réglé dans ce cas !

Eleni et Ioanna dirigèrent la Pythie dans la salle à vivre. Elles lui apportèrent de quoi se nourrir mais elles évitaient de croiser son regard. J'avais un jour surpris les deux sœurs en train de discuter d'elle, alors qu'elle venait de me rendre visite. Elles expliquaient être effrayées par ses pouvoirs et son apparence ; que le fait de se bander les yeux et d'habiter à l'écart de toute vie humaine, la rendait effrayante et qu'elles se demandaient même si elle était encore, seulement un être décent et humain. Lorsqu'elles s'étaient enfin rendues compte de ma présence, elles avaient bafouillé des excuses d'avoir insulté une de mes invitées, et amies. Je m'étais contenté de leur donner le plateau que je tenais dans mes mains et leur avait souhaité une bonne journée ; je n'étais pas revenu chez moi ce soir-là. Je peux comprendre que son apparence n'est pas habituelle, et ne ressemble en rien à celle d'un mortel ou d'une divinité. Mais le fait qu'elles pensent ainsi du pouvoir de divination, m'avait profondément affecté. Je les considérais comme de vrais membres de ma famille et savoir qu'elles trouvaient une de mes facultés, que j'ai inventées, effrayantes me faisait comme l'effet d'avoir été dit que je l'étais moi-même. D'avoir été rejeté. Et cela, de la part d'un membre de ta famille... c'est vraiment le pire sentiment qui soit. Peut-être est-ce parce que je suis encore jeune et pas assez expérimenté que je pense comme cela. Que j'accorde autant d'importance à être accepté par les autres. Après tout, je suis un dieu, tous les dieux sont effrayants, même le plus doux d'entre eux. Il est normal que les mortels nous craignent : nous sommes différents d'eux. Et les humains ont peur de ce qui est différent d'eux. Alors, peut-être est-ce à cause de mon manque d'expérience mais depuis ce jour, j'ai décidé de ne pas trop me rapprocher d'un mortel.

Et j'applique cette règle de vie depuis deux ans déjà. Lorsqu'un humain prie pour mon aide, je fais ce qu'ils demandent et ne m'attarde jamais lorsqu'ils proposent de me remercier d'un présent ou d'un repas. Pareil que lorsqu'une jeune fille vint me trouver car elle souhaite que je l'enlace. Le plus souvent, j'y prends moi aussi du plaisir mais jamais je ne m'endors à ses côtés. Non. Je ne devrais pas penser à cela maintenant, j'ai une invitée et je me dois d'être un hôte irréprochable. Je m'assis aux côtés de la Pythie et commençai à lui parler.

La lyre et l'hyacinthe [en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant