Chapitre XXVIII ~ Ce que je suis

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Hermione arracha son regard des quelques lignes griffonnées telles l'écriture empressée et illisible des médecins moldus pour croiser le regard de son "élève", regard qui n'était à présent plus aussi dénué d'expression : un voile de tristesse semblait s'y être installé.

- Tu... prononça-t-elle péniblement. Tu essaies de me dire que...

Il hocha la tête.

- M... Mais pourquoi ? C'est insensé, c'est... Pourquoi tu n'aurais plus.. pourquoi ?
- À ton avis ?! s'emporta-t-il brusquement, en se levant. Oh, j'oubliais presque que tu n'as jamais pris la peine de te mettre à ma place ne serait-ce qu'un court instant, tu es trop bien dans ta petite zone de confort pour oser en sortir ! De toute façon tu ne peux pas comprendre. As-tu seulement idée de la souffrance, de la peur de chaque instant, du déchirement et de l'angoisse que j'ai dû endurer dans le seul espoir de protéger ma famille ?! Toutes ces heures passées à me demander ce qu'il y aurait de mieux à faire, à évaluer les possibilités, les statistiques, pour au final revenir toujours sur le même point : je suis faible. Et je suis seul. Ça a toujours été comme ça et ça le sera toujours. Et c'est bien connu : les faibles, c'est fait pour s'écraser devant les forts. Et rien d'autre. D'ailleurs, je ne suis même pas un faible : Je ne suis rien. Rien, rien, rien. Je fais semblant tous les jours. Cette fierté, cet air hautain et suffisant que tu me voies afficher, ce n'est que du vent. Au fond, je me dégoûtes de moi-même, si tu savais... Je ne serai jamais rien d'autre que le perdant de l'histoire. Et tu t'étonnes encore que je ne crois plus ni en moi ni en la vie ?

Ces mots firent à Hermione l'effet d'un grand seau d'eau glacée. Ainsi la guerre avait ravagé son cœur à ce point... Elle éprouva une violente envie de le prendre dans ses bras, mais elle se contenta de le faire se rasseoir en saisissant ses mains fines. Le contact le fit frissonner mais il n'en montra rien.

- Malefoy... Je... Laisse-moi avant tout te démentir sur un point : Harry, Ron et moi, Dieu sait si on en est sorti, de cette zone de confort, en sixième année. Traqués jours et nuits, sans véritable plan, sans la moindre idée de ce que l'avenir nous réservait, sans nouvelles de l'extérieur, condamnés à errer pendant des jours, un Horcruxe maudit au cou semant le chaos dans notre amitié et le doute dans nos cœurs, dans le seul espoir de trouver le moindre petit indice qui nous mettrait sur la piste... Alors oui, on en est sorti, de cette zone de confort, tu peux me croire. Cette immonde cicatrice gravée à jamais sur mon bras en est la preuve.

Elle retroussa sa manche, laissant apparaître cette inscription indigne qui n'avait jamais vraiment cicatrisé : Sang-de-Bourbe. Drago déglutit difficilement. Voyant son visage horrifié, Hermione la cacha vivement, consciente d'avoir ravivé de vieux souvenirs qu'à moitié enterrés.

- Mais de toute cette aventure, reprit-elle d'une voix douce, j'en ai retenu une chose : je suis en vie. Nous sommes en vie. Nous avons triomphé. Et c'est ça le principal, c'est ça l'essentiel ! Tu crois que je suis une héroïne, moi ? Au fond, je n'ai pas fait grand-chose. Et puis, je ne suis pas parfaite. Lors de la Guerre, j'ai dû blesser ou même tuer des dizaines de Mangemorts. Ma conscience est loin d'être immaculée. Et surtout, je n'étais pas seule. J'étais aidée. J'étais entourée. J'étais aimée. Même si... J'ai dû m'effacer de la mémoire de mes parents pour les protéger. Et je... Je t'avoue que... C'est un peu dur parfois.

Elle respira un bon coup pour ravaler les larmes qu'elle sentait monter, avant de le regarder à nouveau.

- Je n'ai pas vécu ce que tu as vécu. Et tu n'as pas vécu ce que j'ai vécu. Nous avons tous deux des passés parallèles, des vies à contresens. Nous avons tous les deux vécu des épreuves. Mais ce n'est pas ça qui fait ce que nous sommes.

Comme il avait gardé la tête baissée pour cacher ses larmes pendant tout le temps où elle avait parlé, elle la lui releva doucement pour planter son regard dans le sien.

- Regarde-moi et écoute bien ce que je vais te dire... Drago.

Et elle profita de sa surprise pour lui glisser à l'oreille :

- Je ne suis pas ce qui m'est arrivé, je suis ce que j'ai choisi de devenir.

Il la regarda sans rien dire, mais ses yeux la regardaient comme jamais ils ne l'avaient regardé. Peu habituée à un tel regard sur elle, la jeune fille saisit la baguette de Drago et porta son attention sur elle en la tournant entre ses doigts.

- Que renferme-t-elle ?
- Poil de licorne.

Hermione le regarda d'un air surpris.

- Tu connais la propriété du poil de licorne ?
- Non, pourquoi ?
- Il est très difficile de mettre une telle baguette au service du mal. Et elle t'a choisi.... murmura-t-elle en la lui rendant dans un sourire.

Qui suis-je, Granger ? (Dramione)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant