Chapitre XXIX ~ Une Fouine sur un Balai

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Les semaines passèrent, puis les mois, au cours desquels nos deux protagonistes se rapprochaient chaque jours un peu plus, suite aux vacances de Pâques dont chaque élève et même professeur rêvait depuis des lustres. Quand les cours reprirent, Hermione et Drago se mirent à se voir de plus en plus souvent, que ce soit pour faire leurs devoirs ou bavarder au croisement d'un couloir lors d'un inter-cours. Ils avaient néanmoins décidé d'un commun accord de cesser les entraînements à la Salle sur Demande. Drago n'avait plus l'espoir de progresser et, de toute façon, cela les fatiguait tous les deux. Cependant, même s'ils n'avaient pas une fois reparlés de cette discussion qu'ils avaient eu à la dernière séance, ils gardaient son souvenir dans leur cœur et y repensaient souvent. Il y avait entre eux un sentiment indescriptible, comme si l'un comme l'autre était conscient de la même chose mais n'osait ni ne voulait aborder le sujet. Une sorte de tension, de suspens, mais pas nécessairement désagréable, qu'on aurait peur de briser. Était-ce une certaine forme de complicité ? Ils n'en savaient rien, toujours est-il qu'il y en avait bel et bien une qui était née depuis peu.
Hermione repensait souvent aux mots durs et amers de son "ami", si elle pouvait l'appeler ainsi - même si bien évidemment elle ne l'aurait avoué pour rien au monde. Ce soir-là, elle s'était une fois de plus rendue compte de tout ce poids qui avait toujours pesé sur ses épaules, la culpabilité, le rejet, les remords, la peur, la solitude... Autant de choses qui avaient déformé, torturé, mutilé l'esprit de Drago pour en faire cet être orgueilleux et hautain qu'elle avait toujours connu. Mais depuis peu, tout se remettait en question. Lui, elle, sa vision qu'elle avait de lui, leur lien, ses centres d'intérêt... Car elle s'était juré de lui redonner l'espoir qu'il avait depuis très longtemps égaré au milieu de sa solitude.
Le temps s'améliorait de semaine en semaine, une aubaine pour les joueurs de Quidditch qui sortaient leurs balais histoire de s'entraîner pour de prochains matchs.
Un samedi, Hermione se baladait nonchalamment aux environs du château, ne sachant trop que faire. Ses amis étaient partis à Pré-au-Lard, et elle avait d'abord refusé afin de réviser ; mais elle avait vite refermé ses vieux grimoires poussiéreux, lasse d'étudier, et à présent ses pas la conduisaient vers le stade de Quidditch.
Elle s'installa sur les gradins et sorti un énième livre de sa poche. C'est alors qu'elle entendit des voix en contrebas. En observant mieux, elle en déduisit qu'il s'agissait de l'équipe de Serpendaigle qui s'entraînaient ce jour là. Inconsciemment, le regard de Hermione chercha une chevelure blonde, qu'elle ne tarda pas à apercevoir ; non pas au sein de l'équipe, mais assis sur des gradins à une trentaine de mètres de la jeune fille, observant d'un air morne les joueurs exhibant leur balais et discutant une nouvelle stratégie à adopter.

Pourquoi ne fait-il plus partie de l'équipe, comme avant ? Il jouait pourtant plutôt bien, à l'époque, le bougre.

Le temps passa. Les joueurs partirent, laissant leurs balais sur place. Drago demeura pensif, la tête appuyée contre la paume de sa main, le regard perdu dans le vague. Il était tellement perdu dans ses pensées qu'il ne se rendit même pas compte que quelqu'un s'était assis à sa gauche.

- Bonsoir, Malefoy.

Il sursauta, tourna vivement la tête, fronça les sourcils, la regarda de bas en haut, puis se détendit, se redressa, se recoiffa puis resserra le col de sa chemise. La scène était si comique que Hermione laissa échapper un gloussement.

- Qu'y a-t-il, petite impertinente ? Et puis d'abord, que fiches-tu ici ? Les rats de bibliothèque n'ont rien à faire dans les stades de Quidditch voyons.
- Et toi alors ? rétorqua-t-elle dans un sourire narquois. Que fais un illustre attrapeur sur les gradins ? Sa place n'est-il pas le balai ? À moins qu'il ne soit devenu handicapé entre-temps...
- Illustre ? Que de flatteries, Granger... J'ai mes raisons, voilà tout. Ça ne te regarde pas. Mais pour ta gouverne je peux au moins te certifier que je n'ai pas perdu une seule de mes capacités d'antan.
- À voir, à voir... En attendant, je n'ai rien vu du tout. Après tout, tu es aussi bien réputé pour tes capacités d'antan et que pour tes belles paroles. Il se pourrait bien que tu sois aussi à l'aise sur un balai que Rita Skeeter dans un bocal !
- Rita Skeeter dans...?
- C'est une longue histoire. Mais en gros, rien ne prouve que tu saches voler tant que je ne l'aurais pas vu de mes propres yeux.
- Ainsi donc, tu restes sceptique ?! Quel culot... Comme si moa, Drago Lucius Malefoy, je pouvais échouer à n'importe quel défi sportif, qui plus est du Quidditch... Vous délirez, ma vieille.
- Excusez mon impertinence, messire, mais voilà cinq minutes que vous blablatez et votre humble derrière n'est toujours pas au-dessus d'un balai.
- Qu'elle grossièreté mes aïeux... Madame, si je réussis à vous impressionner ne serait-ce qu'un tant soit peu, m'accorderiez vous un petit envol printanier en ma compagnie ?
- La proposition n'est guère alléchante... Mais j'ai très envie de vous voir à l'œuvre, surtout si vous vous rétamez comme un imbécile en cours de route héhé...
- Vous offensez mon honneur madame... Tâchez de ne pas trop exhorbiter les yeux en m'admirant, ils risqueraient de sortir de leur orbite et vous ne pourriez plus voir le magnifique spectacle de Poudlard vu du ciel.
- Tant mieux si je deviens aveugle, au moins je n'aurai plus à voir cette atrocité qui vous sert de visage... Et puis j'aurai moins peur une fois tout là haut...
- Madame aurait-elle le vertige ? sussura-t-il, moqueur.
- Taisez-vous et respectez votre engagement, repoussant personnage ! rétorqua-t-elle en le poussant dans les gradins.

Il se dirigea en riant vers le terrain, puis, arrivant en bas, avisa un Vivallure 803, un tout nouveau qui venait de sortir. Drago saisit le manche. Il était noir ébène, avec des reflets de jade, et la brosse était composé de filaments extrêmement fin mais fermes et solides comme l'acier, dont la couleur argentée faisait penser à des fils de fer. Sur le manche était gravé un long serpent semblant s'enrouler autour. À la vue du reptile, il lâcha le balai et s'en éloigna vite, agrippant violemment son avant-bras, ne pouvant détacher son regard du serpent.
Hermione, qui l'avait rejoint, avait vu la scène, et après un rapide coup d'œil au balai, et à son avant-bras, compris sa pensée. Elle s'approcha, retira consciencieusement chacun de ses doigts plantés dans son bras gauche, un à un, l'un après l'autre, puis les serra dans sa petite main. Saisissant sa baguette de l'autre, elle tapota le serpent de son extrémité : la silhouette effilée de l'animal se tordit et se contorsionna pour se changer en un petit animal singulier : une fouine.

- Voilà. Ça te correspond mieux, tu ne trouves pas ?

Et elle lui sourit. Il la regarda comme s'il la voyait pour la première fois, admirant ses légères boucles brunes qui encadraient son visage et s'envolaient sous l'effet du vent, et ses incroyables yeux chocolat pétillant de malice, son adorable sourire en coin étirant ses fines lèvres rosées...
Il se perdit à la contempler quelques instants ainsi, un léger sourire adoucissant les traits fins et pourtant si habituellement durs de son visage. Il s'approcha imperceptiblement mais elle le ramena à la réalité en lui lançant soudain le balai-fouine sur les bras. Puis elle passa devant lui non sans lui murmurer un petit « Impressionne-moi » au passage.

Drago décolla telle une fusée.

Qui suis-je, Granger ? (Dramione)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant