Chapitre 30

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J'étais plongée dans un roman de fantasy, totalement coupée du monde réel. Nous étions dimanche soir, je profitais de mes derniers instants de week-end, une tisane à la main. Pour moi, un livre accompagné d'une infusion était un vrai rituel. Et ça, tout au long de l'année. C'était mon côté grand-mère, que je n'avais pas honte d'adorer.

Mon téléphone sonna, me sortant du monde fantastique dans lequel j'étais absorbée. Qui pouvait m'appeler à 23 h passées ? Ce n'était quand même pas encore...

Ken.

Si, c'était bien lui. Je décrochais, amusée :

- Encore une ballade nocturne ?

- Bonne déduction.

J'entendis son sourire à travers le téléphone.

- J'arrive.

Je raccrochais.

Ce soir, l'air était vraiment lourd. Une nouvelle canicule se profilait. J'enlevais mon pyjama moche pour un cycliste noir et une chemise blanche large. Avec ça, je serais très à l'aise, mais tout de même un peu habillée.

Comme la dernière fois, je sortis discrètement de ma chambre pour ne réveiller personne et j'enfilais mes baskets, le plus silencieusement possible.

Quelques minutes plus tard, je rejoignais Ken en bas de chez moi.

- Tu sais, la nuit, c'est fait pour dormir, le taquinais-je en guise de bonjour.

Il sourit derrière son éternelle casquette.

- Non, c'est le moment le plus calme de la journée. Ce serait bête de passer à côté en dormant.

Je ne répondis pas, mais je le suivis alors qu'il entamait sa marche. Nous nous promenâmes tranquillement plusieurs minutes, sans parler, profitant juste de l'ambiance que procurait la nuit. Alors que nous passions un pont, je pris la parole sur un sujet qui m'intéressait, mais que je n'avais pas encore abordé avec lui.

- Je sais pas si c'est pareil pour toi, mais moi, c'est la nuit que j'ai le plus d'inspiration pour écrire.

Il me regarda, surpris.

- Tu écris ?

- Oui, enfin, j'essaye. Je ne pense pas avoir un quelconque talent, mais j'apprécie l'exercice.

- Tu écris quoi ?

- Des romans.

- Ah ouais, ça paraît évident vu ton taf.

Je lui avais parlé de mon travail à la maison d'édition lors de notre dernière balade.

- Oui, j'adore les livres en général.

- Moi aussi, tu sais.

- Ah bon ? Qu'est-ce que t'aimes lire ?

J'étais assez surprise, je ne m'y attendais pas. Quand nous étions plus jeunes, je ne l'avais jamais vu lire.

- Un peu de tout. J'aime bien les classiques genre Kundera ou Maupassant, mais je lis aussi des livres sur la société en général.

- J'ai jamais lu Kundera. C'est un peu la honte, il faudrait vraiment que je m'y mette.

- Moi, j'adore ses textes. Je pense que le meilleur, c'est Risibles Amours. Je te le prêterais, si tu veux.

Le ton qu'il venait de prendre pour en parler m'indiqua qu'il était vraiment passionné. J'adorais écouter les gens parler de ce qu'ils aimaient. J'étais touchée qu'il me propose de me prêter un de ses livres.

- C'est gentil, merci. En plus, j'ai plus beaucoup de choses à lire ces derniers temps. Avec tous les manuscrits que je lis pour le travail, j'ai pas pris le temps de m'acheter de nouveaux bouquins.

- Moi non plus j'ai plus trop le temps de lire en ce moment. Ça me manque.

Le rap et ce qui allait avec semblaient occuper toutes ses journées.

- Tu sais, j'ai pas encore écouté ton album, avouais-je d'un sourire coupable.

- Je suis extrêmement vexé, plaisanta-t-il.

- Promis, je le ferai bientôt.

Nous continuâmes de marcher dans la nuit moite. Je commençais vraiment à apprécier ces virées nocturnes. Malheureusement, je n'aurais jamais pu faire ça toute seule. C'était beaucoup trop dangereux de se promener la nuit en tant que femme. J'essayais de ne pas penser à ce sujet qui me frustrait.

Ken me changea les idées en me posant une question sur l'Australie. Nous continuâmes de discuter longtemps, jusqu'à ce que je décide qu'il était temps pour moi de rentrer car je travaillais demain. Il me raccompagna jusqu'à la porte de l'immeuble. Je me demandais combien de temps il mettait à pied pour venir jusqu'ici.

- Tu sais, si tu veux t'acheter des livres, je connais une petite librairie sympa vers chez moi.

Est-ce qu'il était en train de me proposer une sortie autre qu'en pleine nuit ? Peut-être que je me faisais des idées et qu'il essayait juste d'être serviable.

- Oui, bonne idée.

- Tu finis de travailler à quelle heure ?

- 18 h.

- Je passerais te chercher en voiture demain.

Demain ? Il n'avait pas une minute à perdre.

- Ça marche.

Je poussais la porte du bâtiment.

- À demain, alors, dis-je.

- À demain.

Je vis sa silhouette s'éloigner dans la nuit. Il ne cessait de me surprendre. Positivement. Qui aurait cru que nous avions des points communs qui pouvaient nous rapprocher ? Nous allions peut-être finir par devenir amis si nous continuions sur cette voie.

Quand je poussais la porte de l'appartement, j'étais contente. J'avais passé un très bon moment avec Ken.

- Juliette ?

Je sursautais en voyant mon père sortir de la cuisine.

- Oh mon dieu, tu m'as fait trop peur !

- Tu viens de rentrer là ? Qu'est-ce que tu faisais dehors ?

Les joies d'habiter encore avec son père. Par contre, il n'allait pas commencer à me fliquer, je ne le supporterais pas. Je n'étais plus une enfant.

- Rien, j'étais juste sortie prendre l'air deux secondes. J'avais chaud.

Ces deux secondes étaient en réalité 1 h 30. Il était minuit passé.

- C'est dangereux la nuit, tu ne devrais pas sortir comme ça.

- Oui, je sais. Bonne nuit.

Je coupais court à la conversation en rejoignant ma chambre. J'avais l'impression que plus je passais du temps avec lui, plus il m'irritait. J'essayais de ne plus y penser et je partis me coucher.

Dernier Soupir | NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant