Sous l'ombre du pommier (𝐻𝑦𝑢𝑛𝐼𝑛)

Chapitre 2

Avant même que le soleil ne se lève, Jeongin fut tiré de son lit par un bruit sec à sa porte. Il frissonna avant de se redresser dans sa paillasse : la nuit était encore lourde et son petit frère dormait profondément à côté de lui. Essayant d'être discret, il se glissa hors de sa couche pour enfiler ses vêtements du jour ainsi qu'une veste épaisse pour vaincre le froid matinal. L'été venait à peine de débuter et même s'il ne gelait plus, le bout de ses doigts était souvent gelé.

Sans un bruit, il sortit de sa chambre pour retrouver ses parents dans la cuisine. Ils ne parlaient jamais beaucoup le matin : son père devait prendre quelques bêtes pour aller à un marché voisin, sa mère préparait les repas de la journée et s'occupait des agneaux en âge d'être sevrés pendant que lui menait le troupeau de la famille aux pâturages les plus proches. Jeongwa se levait un peu plus tard : sa mère tenait à ce qu'il dorme bien avant de se priver de sommeil pour le reste de sa vie à faire tourner le commerce familial. Après avoir englouti un gruau de riz, il enfila ses chaussures de cuir et sa besace pour filer hors de la maison. Il contourna la maison afin d'atteindre la bergerie : le bâtiment abritait une trentaines de bêtes qui se réveillaient en même temps que le garçon ouvrit la porte en bois les bloquant à l'intérieur. L'odeur était désagréable, la chaleur immense et en quelques secondes tout le cheptel fut réveillé. Dans un concert de bêlement, il fit sortir les animaux tout en attrapant un des bâtons de bois taillé afin de les guider. Quand il était enfant, son père avait eu un chien qui l'aidait avec les animaux. La pauvre bête était morte de vieillesse des années de ça et sa mère avait été inconsolable. Ils n'en avaient jamais reprit depuis.

Sifflant et criant, Jeongin guida les bêtes le long d'un chemin de terre qu'il avait lui même façonné à force de l'emprunter avec le troupeau. Chaque jour, il marchait près d'une heure dans la campagne à la recherche de terres non exploitées. Depuis plus de deux semaines maintenant, il avait trouvé une prairie dégagée éloignée de tout dont l'herbe grasse du printemps faisait plaisir aux animaux. Il n'avait pas spécialement peur de perdre une bête contrairement au début. Son père l'avait rassuré : les moutons étaient des animaux dociles. Il suffisait que le chef du troupeau prenne le bon chemin pour que tout le reste le suive sagement.

Un peu comme les villageois de sa bourgade.

L'air se réchauffa lorsque le soleil décida d'enfin se lever. Au loin dans la plaine, le jeune homme leva les yeux sur l'aube qui s'offrait à lui. Là où sa vision le guidait il pouvait apprécier la beauté du paysage. Devant lui : les étendues encore sauvages de son temps, les forêts vierges et les cours d'eau pure. Malgré le bruit incessant de ses bêtes qui bêlaient à qui voulait bien les entendre, il trouvait cette vision diablement apaisante. Peut être qu'un jour, Hyunjin pourrait enfin venir avec lui. Il lui avait déjà proposé de l'accompagner à quelques reprises pour mener les animaux aux pâturages. Son ami avait toujours été enthousiaste à l'idée : c'étaient ses parents qui n'avaient pas très envie de laisser leur fils partir à l'aventure de cette manière. Même s'il était plus âgé que lui, Hyunjin était aussi plus sous l'influence de ses parents. Fils unique, ayant grandis à moitié à la ville et à moitié à la campagne, ses parents devaient avoir placé énormément d'espoir en lui. Ils le protégeaient beaucoup et c'était rare que Jeongin puisse emmener son ami quelque part sans que ce dernier ne doive prévenir ses parents. Le berger s'en accommodait : si beaucoup de garçons du village trouvaient ça stupide et tournaient en ridicule Hyunjin pour se plier à ses parents comme le ferait une femme, lui préférait respecter le choix familial et savourer les moments passer avec son ami.

Mais l'idée de voir un levé de soleil avec Hyunjin restait accrochée dans un coin de sa tête.

Lorsqu'il jugea qu'il était assez éloigné du village, Jeongin fit bifurquer son troupeau dans un champs d'herbe qui s'étendait à perte de vue. Il héla ses bêtes à plusieurs reprises avant de trouver un endroit où s'asseoir pour les surveiller : un amas de pierres couvertes de mousse qui allait très bien faire l'affaire. Après y avoir déposé son bâton et sa besace, il jeta un coup d'œil au soleil levant. Le ciel était légèrement rose, ce qui indiquait qu'il allait y avoir du vent plus tard dans la journée. Dans le fond ce n'était pas son affaire : son père récupérait la gestion du troupeau en milieu de journée pour qu'il puisse se rendre aux cours de l'après midi dispensés par professeur Hwang avec son petit frère. Son but était pour le moment de n'égarer aucune bête.