Cinq ans plus tard.
Hanyang était le poumon de la Corée.
En cette fin d'après-midi, la population grouillait dans les rues de la gigantesque capitale. C'était le jour du marché, et les étals débordaient d'activité. Sur les rues de pierre, cernées par les grands bâtiments en bois administratifs ou encore des habitations, le bruit des chaussures de cuir se pressait autour d'un des derniers stands avant de sortir de la place du marché. Les regards curieux s'attardaient avec admiration devant des peintures de fleurs splendides, multicolores et chaleureuses, elles semblaient rappeler en tout point l'été qui venait de se finir. Les coquelicots rougissant, les camélias d'un pourpre profond, les jonquilles éclatantes, tout semblait s'illuminer sur l'étal du marchand répondant au nom de Jeongin.
Encore jeune homme, le garçon s'était attitré une place de choix au marché aux puces de Hanyang. Avec application, il vendait de magnifiques peintures de toutes tailles, d'un artiste unique dont il cachait l'identité même aux plus curieux de ses acheteurs. Ce jour là, il observait avec tendresse deux jeunes filles débattant de quelle peinture elles devaient prendre en guise de cadeau pour leur mère. Le jour commençait déjà à décliner, et il n'avait qu'une hâte c'était de rentrer chez lui.
Jeongin avait désormais les cheveux plus longs, à la mode de la capitale. Attachés en un petit chignon à l'arrière de son crâne, il avait aussi adopté le style vestimentaire de la ville avec une tenue traditionnelle bleue et blanche. Ses mains étaient moins caleuses qu'avant, ses traits plus apaisés. Pendant que les jeunes filles bavardaient devant son étal, il commença à charger le chariot de ses toiles invendues du jour. Elles trouveraient probablement acheteur dans les prochains jours : tout le monde était déjà nostalgique de l'été qui venait de se clore. La chaleur disparaissait déjà des soirées pour laisser la place à une douce fraîcheur automnale que Jeongin appréciait particulièrement.
Sur le conseil de Jeongin, les jeunes filles adoptèrent une délicate peinture de lys rose poudré. Elles semblaient extatiques en regardant le jeune homme emballer délicatement la toile dans un écrin de papier pour ne pas l'abîmer. Après ces clientes, l'ancien berger termina de replier bagage pour empoigner son chariot et retourner chez lui. Il salua quelques collègues de travail avant de prendre la route de son quartier à quelques dizaines de minutes de marche.
La vie à la ville l'avait profondément changé. Il n'oubliait certes pas d'où il venait. Enfant de village, de la campagne, il avait été habitué à vivre durement. Jeongin songea avec amusement à son arrivée à Hanyang quelques années auparavant. Dans la même calèche que son compagnon et les parents de ce dernier. Ils le logèrent quelques mois, assez longtemps pour qu'il trouve un travail correct en travaillant sur les marchés pour aider à la décharge des marchandises. Après avoir travaillé pour un poissonnier, un vendeur de vêtements et un maraîcher, il avait trouvé de quoi loger. Une maisonnée coincée entre plusieurs bâtisses toutes semblables dans un quartier calme de la ville. Il avait proposé à son compagnon de loger alors avec lui et malgré les craintes de ses parents, qui habitaient dans des quartiers plus luxueux, le jeune homme avait accepté.
Depuis, ce dernier s'était entièrement consacré à la peinture. Il prenait des commandes à travers toute la ville, sa renommée n'avait pas faibli et c'était Jeongin qui pouvait vendre fièrement ses œuvres à ceux qui le désiraient.
« Ah, bonsoir Jeongin ! »
Le jeune homme sursauta à peine en arrivant sur le devant de sa maison. Le hasard avait voulu que son voisin fut le fils Bang, celui là même qui s'était échappé du village quelques années avant lui. Ce dernier était encore habillé de son travail à la forge et lui faisait un geste ample de la main pour le saluer.
« Bonsoir Chan, Seungmin va mieux ? » demanda t-il d'un air intéressé.
« Oui, beaucoup mieux grâce à ton adresse, le médecin a fait un miracle pour ses allergies ! » répondit Chan sans cesser de sourire.
Son voisin vivait avec trois autres hommes : Seungmin, Yongbok et Changbin. Leurs voisins d'en face répondaient au nom de Minho et de Jisung. Que des hommes, vivant ensembles.
Tout le monde savait, mais personne ne posait de question.
Ils échangèrent un dernier sourire avant de retourner mutuellement à leurs occupations. Jeongin poussa la minuscule clôture de son jardin pour y pousser son chariot. Sur le côté droit se trouvait l'atelier de son compagnon, mais il semblait vide. Quelques nouvelles toiles reposaient appuyées le long du muret : les fleurs dans les camaïeux de rose et de rouge avaient cédé leur place aux magnifiques orangés de l'automne. Jeongin sentit son cœur se gonfler de joie. Il entreposa son chariot sous l'avancée pour le protéger en cas de pluie avant d'aller vers la porte de sa maison pour l'ouvrir.
Il tomba directement sur la pièce à vivre, avec tout un pan de mur occupé par le nécessaire à la cuisine et une table centrale où se trouvait l'être le plus précieux à ses yeux. Le soleil commençait à décliner déjà dans le ciel, si bien que la pièce était plus sombre que d'ordinaire. Pourtant, c'était impossible de manquer l'immense fresque de verdure qu'avait peint au fil des mois son compagnon sur l'un des murs de la pièce. Les vallées et les monts de son enfance lui faisaient face. Pourtant, ce que Jeongin savourait le plus, c'étaient les yeux de son aîné qui se levaient sur lui, accompagné du plus doux des sourires.
« Tu es enfin là mon Trésor. »
Hyunjin se releva de la table avec sa grâce habituelle. Rien n'avait changé chez lui avec les années, ses traits étaient merveilleux, sa bouche charnue et tendre, ses longs cheveux noirs cascadaient sur ses épaules. Sur ses mains se trouvaient encore quelques tâches de peinture, signes de son dur labeur de la journée. Il portait sa tenue pour la soirée déjà, un délicieux ensemble de soie qu'il affectionnait particulièrement une fois la nuit tombée. Jeongin se sentit de nouveau adolescent, le cœur battant la chamade et éperdu d'amour pour l'homme devant lui. Il laissa un sourire envahir ses lèvres pendant que son compagnon s'approchait de lui pour se blottir dans ses bras. C'était naturel alors pour lui de l'enserrer tout contre son corps en soupirant d'aise. Il était terriblement bien et à sa place.
« Bonsoir mon Amour. » murmura t-il en inspirant la délicate odeur de jasmin de son aîné. Ses cheveux le chatouillaient à peine alors qu'il reculait pour embrasser le front de Hyunjin. « Tu as passé une bonne journée ? »
« ça a été, c'est toujours mieux quand tu rentres le soir venu. » répondit il en déposant à son tour un baiser sur les lèvres de son cadet. « Et toi ? Le marché ? »
« ça a été aussi. » reprit Jeongin en guidant son compagnon pour qu'ils puissent s'asseoir ensemble à leur table. La maisonnée n'était pas grande, mais c'était amplement suffisant pour eux. Se délectant de l'homme à ses côtés, l'ancien berger était subjugué d'amour pour lui.
Ils parlèrent de tout et de rien. De la belle journée, des sujets que Hyunjin avaient envie de dessiner, de la joie des clients que Jeongin avaient servis toute la journée... Après un bon repas, ils finirent irrémédiablement par s'enlacer tendrement devant la gigantesque fresque qui recouvrait tout le mur derrière eux. Le jeune homme savourait la délicatesse les lèvres offertes, leur générosité et la langue piquant la sienne. Alors que Hyunjin se pliait dans ses bras avec le souffle court, Jeongin ne pu s'empêcher de jeter un regard amusé à la vallée peinte derrière eux.
Au centre de celle ci se trouvait un pommier magnifique, dont les branches pouvaient facilement les protéger du soleil et du monde entier.
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Sous l'ombre du pommier (𝐻𝑦𝑢𝑛𝐼𝑛)
FanfictionEt si l'amour pouvait éclore sans que personne ne s'en rende compte ? Jeongin ne savait pas répondre. Lui n'était qu'un simple berger dans une campagne isolée de Corée. Pourtant, son ami Hyunjin pouvait peut être l'aider à répondre à la question. Ma...