Chapitre 8 : Amaryllis

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  Ma main s'arrête au milieu de son dos sans que je ne m'en rende compte, je reste accroché sur ses quatre mots, les yeux écarquillés face à la nouvelle, un frisson me traversant de la tête aux pieds. Je vois Ali et Elliot échanger un regard tout aussi surpris et nous attendons la suite, suspendus à ses paroles.
Autour de nous, l'air semble s'être alourdi. La pluie se calme, simple averse de passage, et une odeur d'herbe mouillée nous provient de la haie qui longe les escaliers.

«-Ça fait un mois. Avec le fameux Gérard. Apparemment ils sont ensemble depuis le début des vacances d'été mais ils se sont rencontrés il y a longtemps. Je trouvais ça étonnant qu'elle ne soit sortie avec personne pendant les vacances, c'est souvent le moment où elle en ramène un toutes les deux semaines. Mais là, rien... je pensais qu'elle était devenue raisonnable, enfin, mais non. C'était tellement idiot de ma part d'avoir de l'espoir. J'ai l'air bien ridicule maintenant. Elle va bientôt revenir, dans quelques mois, avec un "c'est un garçon !" ou "c'est une fille !". C'est tout ce qu'elle désire. C'est la première fois qu'elle a l'air heureuse depuis des années. Pas une fois elle ne l'a été avec moi. Pas une fois. Mais c'est ce qu'elle veut ; repartir à zéro pour avoir un enfant dans la norme. J'ai rien demandé putain...»

  Après avoir enchaîné de manière rapide et saccadée, sa voix s'estompe en un soupir sur ses derniers mots, qui me brisent le cœur.
Je ne peux pas m'empêcher de lâcher une larme face au désespoir de Charlie et le.a serre dans mes bras le plus fort possible. C'est la pire chose que j'aurais voulu entendre.

«-Charlie, retire ces mots tout de suite. Il n'y a qu'une seule personne fautive dans l'histoire. Ta mère n'a pas le droit de te faire ça. À croire qu'elle ne te prend pas en compte dans l'histoire. Mais tu es bien plus humain.e qu'elle. Et je t'interdis de te croire ridicule ou quoi que ce soit. Je t'interdis de t'en vouloir alors que c'est elle qui le devrait. Son comportement envers toi est désespérant... Je suis désolé, sache que je serai toujours là et que je te défendrai quoi qu'il arrive. Elle est en tord. Et tu ne le seras jamais pour affirmer qui tu es.»

Je le.a laisse pleurer dans mes bras alors que je vois Elliot baisser les yeux en face de moi, des larmes silencieuses glissant sur ses joues mates en contournant ses grains de beauté. À côté, Alienor s'est retournée et s'est mise en tailleur, l'air plongée dans ses pensées. Mais je sais que même si elle ne l'exprime pas, elle est tout aussi affectée par la situation de Charlie.

Le week-end arrive vite et nous serrons tous les trois Charlie dans nos bras avant de lui dire au-revoir le vendredi soir. Nous lui partageons des mots d'encouragement et lui disons de nous envoyer des messages à chaque nouvelle. J'ai créé un chat de groupe pour qu'iel puisse s'exprimer à tout le monde en même temps, je sais à quel point cela lui tient à cœur, et j'ai remarqué aussi que ça l'aide d'avoir de nouveaux amis auprès de qui évacuer le poids que sa mère lui impose.

Durant le samedi et le dimanche, nous apprenons que Gérard a la cinquantaine, qu'il est un grand amateur de rugby et qu'il dit en avoir beaucoup fait dans sa jeunesse, que son ventre est plus bombé que ne sera celui de la mère de Charlie dans quelques mois, ou encore qu'il a la mauvaise habitude de faire des blagues nulles. Je note que Charlie n'a mentionné aucune critique ou remarque contre son style vestimentaire ou ses cheveux rasés méprisés par sa mère. Au début, ça me rassure, puis je commence à croire qu'elle a dû forcer Charlie à porter des habits monotones et à enlever toutes ses boucles d'oreilles et ses piercings, comme d'habitude.
Apparemment, Charlie et sa mère se sont disputés dès qu'iel est rentré.e et c'est parti assez violemment. Iel m'a expliqué que tout avait explosé d'un coup et qu'iel n'avait pas retenu une seule de ses pensées. Sa mère a pleuré de colère et lui a répété des dizaines de fois qu'elle ne comprenait pas, qu'elle n'avait jamais voulu "ça" et qu'elle regrettait de ne pas avoir pu "l'élever correctement". Des bêtises du début à la fin. Des excuses inacceptables. Elle a voulu s'attirer la pitié de son enfant, en vain. Iel a fini par ne plus lui adresser la parole.
Gérard semble être passé au travers et a agi comme si iel était invisible, consolant sa mère, ce qui a vite donné la nausée à Charlie. Finalement, je me suis arrangé pour pouvoir l'inviter à passer les vacances de la Toussaint chez moi après une longue discussion avec mes parents. J'ai essayé tant bien que mal de leur expliquer à quel point la situation était insoutenable et que je souhaitais vraiment aider Charlie du mieux que je peux. Ils ont fini par céder en se rassurant sur le fait qu'on serait deux à pouvoir s'occuper des enfants.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 18, 2022 ⏰

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☁️Constellations ~ Eden et Hojin☁️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant