Le lendemain passe plutôt rapidement. Le soir, je descends dans la cour de l'internat avec ma guitare et nous découvrons qu'Ali en joue aussi. Elle m'emprunte l'instrument et entame alors un tango rythmé et rapide. Captivés par l'agilité et la facilité qu'ont ses doigts à glisser sur les cordes, nous ne manquons pas de l'applaudir et de la complimenter dès qu'elle finit son morceau.
«-Mais tu nous avais caché ce talent ! C'est incroyable !» s'exclame Charlie.
Elliot et moi-même approuvons d'un geste commun, inondant ensuite notre amie de compliments.
«-Merci pour tout, vous êtes vraiment gentils... J'ai ramené une guitare ici mais je n'ose pas vraiment en jouer devant les personnes de ma chambre...
-Ah oui je connais ça... Des fois je m'éclipse dans la cour pour en jouer sans me sentir embarrassé. Tu devrais me rejoindre avec ta guitare !
-Avec plaisir ! Je ne savais pas qu'on avait le droit !
-Depuis combien de temps tu en joues ?
-J'en fais depuis que j'ai 6 ans !! Et j'ai commencé la guitare électrique il y a deux ans. C'était mon objectif premier mais je dois dire que la guitare acoustique ça me plaît aussi énormément...
-J'espère bien que ça te plaît ! Tu as vu comme tu es talentueuse !
-Merci beaucoup Eden. À ton tour maintenant !
-Facile à dire... Comment passer après ce que tu viens de nous faire...
-Aller Eden, insiste Charlie en me poussant du coude, montre lui comme tu joues bien toi aussi...
-Tu rigoles, je n'ai pas du tout le même niveau !
-Je n'ai pas dit ça. Mais ça ne veut pas dire que tu joues mal, idiot.»Mes trois amis me dévisagent avec insistance et je finis par m'emparer de l'instrument dans un soupir de capitulation. J'inspire longuement et pose ma respiration et mes pensées pour me vider de toute angoisse. Après une seconde à écouter le silence et à sentir les regards impatients de mes amis autour de moi, je me mets à jouer une petite mélodie. Un morceau plaisant à jouer autant qu'à écouter, que j'ai appris cet été. Contrairement au tango dynamique que nous a joué Ali, c'est une musique calme et douce, plus facile. Malgré cela, après avoir fait sonner les dernières notes, mes amis m'applaudissent avec un entrain partagé qui me surprend et me ravit.
«-Ouaouh... c'est tellement agréable de te voir jouer...
-Gngngn... "comment passer après ce que tu viens de nous faire"... gngngn » se moque Charlie en répétant mes mots.La soirée se termine en chanson et en rires partagés, ce qui me permet une nouvelle fois de passer une nuit à peu près paisible.
Le lendemain matin, quand je suis tiré du sommeil par la sonnerie quotidienne, j'aimerais bien pouvoir continuer le rêve dans lequel j'étais profondément plongé, bien que je ne me souvienne déjà plus de ce qu'il s'est passé. Me sentir dans un autre univers, comme plongé à l'étranger et rempli de sensations indescriptibles. J'ai rarement l'occasion de faire des rêves. Mais quand j'en fais j'ai l'impression d'avoir bien dormi, et cette simple impression me fait un grand bien.La routine matinale du Mercredi commence et je me rends à l'arrêt de bus de bonne humeur, le livre offert par Ali dans la main. C'est un livre de science-fiction qui m'a l'air très intéressant. Alienor est une grande adoratrice des œuvres de science-fiction, et je trouve que ça lui ressemble. Enfin arrivé à l'arrêt de bus, je m'installe et commence à lire. À côté de moi, l'inconnu que je croise tous les mercredis, vêtu aujourd'hui d'une chemise blanche un peu jaunie par le temps.
Mes yeux parcourent les lignes du livre quand alors, une sonnerie de téléphone se met à retentir. Le jeune homme assis à mes côtés sort un vieux portable de sa poche avec empressement et décroche tout aussi rapidement, le tenant de ses deux mains à son oreille. J'entends le léger son d'une voix étouffée, qui m'a l'air plutôt paniquée.« -D'accord... j-j'ai compris je... j'arrive tout de suite. Appelez une ambulance et tenez-la éveillée.»
C'est la première fois que je l'entends parler. Sa voix est plutôt légère et douce, mais il a prononcé ses mots de manière saccadée, pressée. Il raccroche et se lève soudainement, rangeant son téléphone dans sa poche d'un geste maladroit.
J'entends sa respiration devenir rapide. Les épaules redressées, il commence à courir dans la rue perpendiculaire à la Rue du Geai.
Je remarque que je n'avais également jamais vu d'où il venait avant de se retrouver au même arrêt que moi. Alors que je le suis d'un regard alarmé par la situation qui s'annonce plutôt inquiétante, je le vois s'arrêter au beau milieu de la rue. Il ne bouge plus pendant une longue seconde, puis je le vois se retourner précipitamment et faire en sens inverse le chemin qu'il avait entamé.
Les secondes filant, je le vois courir jusqu'à l'arrêt, et mes yeux s'écarquillent de surprise quand il s'arrête devant moi.
Il se tient plus fixe que jamais, les yeux baissés avec ce que je perçois être de l'hésitation. Soudain, son regard plonge dans le mien et je sens mon cœur manquer un battement. Ses yeux, d'un brun presque noir, me fixent intensément avec une lueur de panique, et ce regard me glace le sang.
Il tremble.
Je ne comprends rien à ce qu'il se passe, mais pas le temps de réfléchir qu'il a déjà attrapé mon poignet et me tire avec lui dans la rue dans laquelle il s'était embarqué quelques secondes plus tôt. Nous courons ainsi pendant plusieurs minutes alors qu'il se met à pleuvoir. J'essaie de couvrir mon livre sous ma veste pour ne pas le mouiller mais l'inconnu ne lâche pas mon poignet, me guidant à travers les ruelles.
Je voudrais lui crier de s'arrêter et de me lâcher, lui expliquer à quel point c'est impoli, lui exiger des explications, mais sa détermination ne me fait pas défaut, et je ne doute pas une seconde de son sérieux, malgré l'étrangeté de ses actions.
Nous ne tardons pas à arriver devant un grand immeuble et il s'arrête, me forçant à faire de même. Je range alors le livre dans mon sac et m'apprête à lui demander ce qu'il se passe, mais voilà qu'il me conduit dans les escaliers sans me laisser ouvrir la bouche. Il m'a lâché mais je n'ose pas l'interpeller et demander des explications tant il semble pressé et paniqué.
Je continue alors bêtement de le suivre dans ce tourbillon de marches jusqu'au quatrième étage de cet immeuble vieillot, qui aurait grand besoin d'un ascenseur.
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☁️Constellations ~ Eden et Hojin☁️
Fiksi UmumSes yeux verrons, le ciel et la terre ; Ses longs cheveux, une mer enflammée ; Sa voix, le chant du vent ; Ses tâches de rousseur, le firmament. Métaphores. C'est lui qui m'a appris à les comprendre, à mettre ces mots qui n'ont aucun rapport côte à...