En quelques sortes forcé de suivre les deux inconnus jusqu'à l'hôpital, je me retrouve aux côtés de Hojin à attendre des nouvelles de sa grand-mère. Toutefois, je me serais senti mal de les voir s'en aller sans pouvoir les assister jusqu'au bout.
La vieille femme a heureusement repris connaissance grâce au défibrillateur mais elle a encore besoin de subir un soin d'urgence. Nous sommes dans un couloir, assis sur des sièges au confort discutable, attendant avec impatience la fin de l'opération. Hojin, à côté de moi, se tient droit comme un piquet, le regard perdu dans le vide. J'aurais presque pu imaginer l'arrêt de bus autour de nous tant sa pose est similaire à celle qu'il adopte toujours, mais sa jambe gauche tressaute sans s'arrêter dans un signe de stress, venant briser le tableau.
J'avale ma salive sans savoir que faire ou que dire.«-Est-ce qu'on sait ce qu'il s'est passé ?
-Infarctus du myocarde, me répond Hojin d'une voix catégorique. Une artère coronaire s'est bouchée. Ça ne devrait pas prendre très longtemps mais elle devra rester ici quelque jours.
-Elle... elle va donc survivre...»Il ne répond pas. Je regrette immédiatement mes paroles, peut-être que je n'aurais pas dû prononcer ces mots, peut-être l'ont-ils blessé ou fait douter ?
«-Les chances de mort sont bien présentes, reprend-il sur un ton flegmatique, mais il est bien plus probable qu'elle survive avec quelques séquelles.»
Je hoche la tête, peu rassuré par sa réponse qui me semble plutôt abrupte, et je fixe mes converses marrons, perdu dans mes pensées.
«-Alors c'est... votre grand-mère ?
-Oui, c'est elle qui m'a élevé.
-Je vois... Elle... enfin... avant de perdre connaissance tout à l'heure, elle m'a dit de vous dire qu'elle irait bien...»Il baisse les yeux, peut-être en cherchant quelque chose à répondre à ça. Pour éviter de le mettre mal à l'aise, je reprends la parole.
«-Je voulais savoir... pourquoi vous m'avez tiré avec vous... enfin... comment avez-vous su que je vous serais utile...?»
Mes mots se bousculent dans ma bouche, je n'ai pas réfléchi avant de parler. Mais cette question, bien que mal formulée, me trotte dans la tête depuis un moment.
«-Madame Rosary m'a appelé en disant que ma grand-mère était mal en point, qu'elle ne pouvait pas bouger et qu'elle avait besoin d'aide. Elle m'a décrit le fait qu'elle avait du mal à respirer, qu'elle se tenait la poitrine et qu'elle souffrait. J'ai pensé qu'il devait s'agir d'une crise cardiaque. Évidemment, il fallait la faire descendre les quatre étages avant l'arrivée des urgences. Plus on attend pour opérer une personne en crise cardiaque plus les séquelles seront graves. Mais madame Rosary était trop vieille et faible pour m'aider. Mes deux autres voisins étaient déjà au travail ; ils partent toujours un quart d'heure avant moi. Et il aurait été trop long d'aller chercher de l'aide dans les étages inférieurs ou supérieurs. De toute manière, la majorité sont des retraités qui ne m'auraient pas été d'une grande aide. Alors je me suis dit que vous sembliez en forme et que vous seriez sûrement efficace pour m'aider à la faire descendre les quatre étages. Vous étiez la seule option qui se présentait à moi.»
Je l'observe du coin de l'œil, bouche cousue et stupéfait par son explication complète et étonnement logique. Sa manière de parler est assez particulière, comme s'il se sentait obligé de justifier tous ses actes dans les moindres détails. Et tout ce qu'il dit est si franc et pragmatique, ce qui change des habitudes. J'entends plutôt les gens parler avec retenue et beaucoup de faux-semblants, moi-même, j'exprime rarement le fond de mes pensées de manière si directe.
Je n'ose rien ajouter, j'ai l'impression qu'il veut juste que je me taise. Alors que je m'apprête à demander s'il préférerait que je parte, je l'entends à ma grande surprise marmonner un "Merci". Je me retourne alors vers lui et esquisse un sourire en voyant qu'il a baissé la tête, comme si ce simple mot avait nécessité un gros effort pour sortir.
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☁️Constellations ~ Eden et Hojin☁️
Ficción GeneralSes yeux verrons, le ciel et la terre ; Ses longs cheveux, une mer enflammée ; Sa voix, le chant du vent ; Ses tâches de rousseur, le firmament. Métaphores. C'est lui qui m'a appris à les comprendre, à mettre ces mots qui n'ont aucun rapport côte à...