Chapitre 8 - Poursuite du Mal

197 21 20
                                    

Je trouvai les vêtements de Zelda soigneusement pliés sur un tabouret, dans un coin. Impossible de les louper, ils étaient hauts en couleur et parfaitement atypiques, que ce soit au ciel ou sur terre. J'enfilai en vitesse la robe rose de mon amie, accrochai sa ceinture à boussole et l'étoffe bleue de la Déesse autour de mes hanches. Quand j'eus disposé ses bijoux à mes poignets, je me sentis méconnaissable. Bien que mes cheveux ne ressemblaient point à ceux de mon amie, sa tenue me suffisait amplement à me glisser dans sa peau.
Sa longue robe ne facilitait pas le mouvement, mais au moins, je portais des bas en dessous.

Je serrai mes ceintures à armement autour de mon buste, et y attachai mon attirail d'archère. En préparation à l'affrontement, j'avais taillé mes flèches si acérées qu'elles coupaient la peau comme du papier.
La Pourfendeuse demeurait accrochée à ma taille, placée côté gauche pour être plus rapide à dégainer. Inspirant à fond, je vérifiai que j'avais sur moi le flacon d'eau purificatrice. Le verre se fit sentir froid au bout de mes doigts, me le confirmant.

Et puis j'y étais. De la même manière dont je m'étais élancée dans le ciel auparavant, je me ruais vers l'inconnu, vers cet homme cruel, s'il était encore juste de l'appeler ainsi. Comme Aquilus me l'avait dit, la Terre, c'était mon monde, et ça l'avait toujours été. Je n'étais pas du genre à me laisser humilier par un valet.

J'avais une petite idée d'où Ghirahim avait choisi de tendre son piège, sachant qu'il n'avait pu cueillir Zelda dès son atterrissage. En effet, je le soupçonnais de connaître les intentions de la Déesse. Sinon, pourquoi aurait-il envoyé des tornades vers Célesbourg, s'il ne savait pas qu'Hylia s'était réincarnée ?

Sortant du temple du sceau, je pris un raccourci fomenté par mes soins en bordure du vallon. Celui-ci lézardait dans la forêt, menant directement au temple de la source, où Ghirahim m'avait plongée dans un sommeil réparateur, dans les eaux de la Déesse. Je ne m'y étais point rendue depuis, trop gênée de retrouver ce lieu, en lequel Ghirahim m'avait humiliée en me sauvant, tout cela pour affirmer ma faiblesse d'humaine.

En réalité, pour retrouver la trace du monarque démoniaque, la clé était d'y retourner, depuis le début. Affronter l'amertume que j'avais gardée en bouche, au lieu de la laisser repousser nos retrouvailles. Je courus en respirant à plein poumons, boostée par l'adrénaline. S'enfuir, c'était un instinct animal. Comment avais-je pu me laisser aller à cela ? Je progressai à toute vitesse vers le temple, m'éloignant des sentiers battus.

J'arriverai à la source avant Zelda et sa gardienne. Là-bas, je tromperai la vigilance de Ghirahim, et je lui ferai regretter ses mots.

La végétation se fit plus dense autour de moi. Bientôt, j'atteins le cœur de la forêt. Levant les yeux, j'aperçus les racines géantes qui se dressaient sur le temple, perçaient le paysage, au-dessus du feuillage des arbres.
Je grimpai une barrière noire et me retrouvai bien vite face à la porte principale, que je n'avais jamais pris le temps d'observer auparavant. Elle était immense, et ses battants dorés brillaient de mille feux, lustrés et incrustés de pierres précieuses. Luisant, mon reflet battait des cils sur la surface miroitante.

Il y avait une très bonne raison pour laquelle je ne m'étais point attardée sur le seuil de cette porte, à regarder les décorations; je n'avais pas eu à l'ouvrir. Je passai mes doigts sur les pierres, les arabesques et les formes sculptées dans la pierre, mais aucune ne faisait office de poignée. Le stress me submergea un instant. Cette porte ne pouvait pas mettre mon plan à bas, il fallait que je trouve comment l'ouvrir.

J'appuyai sur les joyaux protubérants, à la recherche d'un mécanisme caché, sans que cela ne mène à quoi que ce soit.
La dernière issue qui s'offrait à moi semblait être la fente entre les deux battants de la porte. Je sortis mon épée de son fourreau, et tentai de la glisser dans ce minuscule espace. Mais la lame était bien trop épaisse pour s'y immiscer. L'agacement commençait à me faire perdre patience, quand quelque chose attira soudain mon attention. Dans le reflet de la Pourfendeuse, une couleur rose vif apparaissait.
Je reculai et levai la tête vers le plafond; un ensemble de joyaux y était suspendu, comme un lustre. Ça ne pouvait qu'être la clé que je cherchais.

Cependant, il m'était impossible d'y accéder de part sa hauteur. Je me saisis donc de mon arc et visai en plein dans le mille. Ma flèche ricocha sur les cristaux; ces derniers prirent une couleur grisée et s'éloignèrent subitement les uns des autres. Dans un même temps, les verrous de la grande porte sautèrent, et les portes s'ouvrirent dans un grincement lugubre.

Ce temple me fichait les jetons, mais je n'avais ni le temps de me féliciter de ma perspicacité, ni le temps de me mettre à douter. Aussitôt, je me remis à courir, dévalant les escaliers moussus.

***

La sueur trempait mes tempes. J'avais traversé le temple en toute hâte, ce qui s'était révélé plus compliqué que d'en sortir. Heureusement, je n'avais pas perdu de temps à cause de nouvelles portes verrouillées.
Marchant pour reprendre mon souffle, j'avançai dans la dernière salle, spacieuse et ronde. Au bout se dessinait dans l'obscurité un bain de lumière solaire; l'accès à la source de la Déesse.
J'essuyai mon front et me recomposai. Mon cœur continuait à marteler malgré tout, comme si j'étais encore coincée dans ma course contre la montre. Dehors, je serai Zelda, aux yeux de Ghirahim, me répétai-je en époussetant les pans de ma robe, alors, il faut que j'agisse comme elle le ferait.
Mes jambes me guidèrent vers l'extérieur, saisissant l'impulsion de courage qui venait de fleurir en moi.

Le soleil fondit sur ma silhouette, m'accompagnant le long de l'allée de piliers. Je sentais ce regard plein de noirceur peser sur moi. J'arrivai au bout du couloir, la tête légèrement baissée. Ma démarche était solennelle de l'extérieur, mais j'étais sur mes gardes, en vérité.
Je m'approchai du bord, fidèle à mon rôle, afin de m'installer dans l'eau pour commencer à prier aux pieds de la statue d'Hylia. C'est alors qu'un claquement de doigts troubla le calme olympien du clapotis des cascades.
Mes membres se raidirent, comme la première fois que je l'avais entendu.

« La Déesse Hylia en personne...

La voix de Ghirahim s'éleva loin derrière moi. Je retins mon souffle, comme si ce dernier avait le pouvoir de trahir mon identité.

- Quitte à revenir ici-bas, tu as sacrifié tout ton pouvoir, ta grandeur... Tout cela pour te retrouver coincée dans le corps fragile et hideux d'une humaine, dit-il le ton voilé d'incrédulité. Jamais je ne t'aurais crue aussi... désespérée.

Ses mots me piquaient, même s'il ne les adressait pas à moi. Ce mépris qu'il vouait aux êtres humains... Je luttai pour ne pas me retourner; pas encore. Le plan se déroulait à merveille.

- C'est terminé pour toi, ricana le Seigneur démoniaque. Les absents ont toujours tort de revenir... Aujourd'hui, je vais pouvoir mettre fin à ton règne, et laisser commencer celui de l'Avatar du Néant !

Il se mit à marcher avec hâte. Je me préparai au combat que j'attendais depuis des lustres. Plus Ghirahim prenait confiance, plus je gagnerais en impact. Quand la pierre trembla sous mes talons au rythme de ses pas, je posai ma main sur la garde de mon épée. Le démon s'arrêta à quelques mètres de moi.

- Autrefois, tu daignais encore m'adresser la parole... Il semblerait que tu aies perdu jusqu'à la décence d'user de tes mots, déclara-t-il. Tu as bien changé, Hylia.

Je fis volte-face, levant le menton. Inconsciemment, j'avais laissé un sourire cynique se peindre sur mes lèvres. Le visage de Ghirahim se décomposa sous mes yeux.

- Tu as raison, Ghirahim... j'ai beaucoup changé. »

Contre le nom de mon Créateur 【Ghirahim x Reader】SSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant