Prologue - L'appel de la Terre

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D'aussi loin que je m'en souvienne, j'avais toujours éprouvé une grande curiosité pour ce qui m'entourait. Née sur une pittoresque île céleste, dès mon plus jeune âge, j'observais depuis le bord des pontons, ventre à terre, la vallée de nuages qui se dessinaient sous mes yeux immatures.
Je vivais dans un monde riche en mystères, mais rien n'était comparable à celui de la Terre.

Avant que j'apprenne son nom par les légendes que me transmettait religieusement ma mère, je savais déjà que sous cette couche crémeuse et étouffante se trouvait quelque chose de bien plus vaste encore.

Ainsi, petite fille, je fus souvent réprimandée par les chevaliers. Il n'y avait pas un jour qui s'écoulait sans qu'il ne faille me repêcher au vol, car je ne pouvais m'empêcher de plonger vers ce monde qui m'attirait.
Au fil du temps, j'ai compris qu'il était censé être craint par les humains. Nous, le peuple d'Hylia, avions été élevés dans le firmament au souci de notre survie. C'est pourquoi les autres, autour de moi, restaient perplexes face à mon insistance.

Ils trouvaient mon comportement inquiétant, ne pouvant voir qu'une fillette se jetant dans la gueule du loup à travers mes agissements.
Au fond, c'était le cas; je ne savais pas où je m'élançais. Et si la Terre n'était qu'une légende, et qu'au-delà de la barrière de nuage m'attendait une chute sans fin ?

Ces inquiétudes n'étaient pas les miennes. La gravité aspirait tout ce qui dérivait dans le ciel; il devait y avoir une raison derrière. Ce mystère façonna mon destin.

Il y avait une autre fille, de mon âge qui plus est, qui me comprenait bien. C'était l'enfant unique du directeur de l'école de chevalerie, Zelda. Elle était sage, douce et très aimée du village. À l'instar de moi, elle avait elle aussi entendu l'appel de la Terre, d'une façon plus mystique que la mienne cependant. Il était question pour elle d'une voix qui tentait de l'atteindre d'en dessous des nuages.
Lorsqu'elle me confia ce secret, je ressentis quelque chose de transcendant. Tout prit un sens, plus que jamais. Il fallait que quelqu'un se rende là-bas; des réponses nous y attendaient, terrées sous la barrière de la Déesse.

Zelda voulait également percer le mystère à jour, mais elle m'avoua ne pas oser y aller. Elle pressentait que ce qu'on trouverait ici-bas risquerait de nous dépasser. J'aurais aimé qu'elle m'en dise plus, mais ce sujet ne revint jamais à la table.

J'en conclus vite que nous nous comprenions, mais nous n'allions pas dans la même direction.

Mes études me servaient comme couverture, afin que j'en sache toujours plus sur la Terre; mais aussi pour que j'échafaude un plan pour m'y aventurer. Malgré tout, je trouvais dans mes cours des ressources pour m'aguerrir en prévision de mon escapade.

Tout comme mes camarades, j'appris évidemment les techniques de vol à dos de célestrier, qui étaient le fondement même de la chevalerie céleste. Parmi le programme se trouvait toutefois aussi l'art du maniement des armes chevaleresques. Je pratiquais assidûment le combat à l'épée, allant jusqu'à m'entraîner au-delà des heures de cours pour perfectionner mes positions et mes réflexes à l'aide de mon professeur d'escrime. Ce dernier se montrait très encourageant, nourrissait mes ambitions par son soutien dans ma formation.
À contrario, ma mère faisait tout pour me dissuader de m'adonner à un entraînement plus pointu, de crainte que je ne me blesse.

Encore, son inquiétude se limitait à l'étendue docile et peinarde de Célesbourg, ce qui me faisait rire intérieurement; Maman n'avait aucune idée que je me préparais à affronter était bien plus gros.

Mon professeur Aquilus, lui, me disait que j'avais assez de hargne pour tout un monde. Comme d'habitude, il touchait en plein dans le mille.
J'étais comme sa fille d'arme, selon ses mots. Il était comme un père, selon les miens.

Dès mes douze ans, bien avant que je n'entre à l'école de chevalerie, Aquilus me surprenait à épier les cours d'escrime qu'il administrait à ses élèves. Je les imitais, un bâton à la main, impatiente d'attendre d'être en âge de rentrer dans la grande salle où l'on maniait de vraies épées.
Quand la leçon fut terminée, un jour, il vint me rejoindre dans la cour, corrigeant la manière dont je tenais mon épée factice, et m'apprenant directement les bases qu'il venait de montrer aux étudiants.
Depuis, nous nous retrouvâmes toujours à la cour du bâtiment d'escrime, récapitulant les mouvements, mettant en place des enchaînements de plus en plus structurés. Mes progrès le satisfaisaient plus que ceux de ses propres étudiants, si bien qu'il accepta de me prendre sous son aile.
Mes leçons personnalisées devinrent des routines régulières, qui s'étendirent sur des jours à part.

Ce qui plaisait à mon professeur, ça devait être les efforts que j'investissais pour avancer. Comme Zelda l'avait dit, je m'engageais dans un chemin inconnu, périlleux; il me fallait donc être assez forte pour surmonter les dangers qui se dresseraient sur ma route. C'est là d'où je puisais ma rage.

Du début à la fin, les enseignements de Aquilus m'avaient appris tout ce qu'une guerrière fière et solitaire avait à savoir.
Il m'a élevée pour que je vive mes rêves, quels qu'ils soient. Même si j'avais accepté de faire les sacrifices nécessaires pour atteindre mon but, risquer de ne plus jamais le revoir était la seule chose qui me faisait mal au cœur.

Concernant ma technique à l'arc, je fus contrainte de l'affûter par mes propres moyens, et ce non sans difficultés. Malheureusement, aucun de nos professeurs n'était en capacité de donner de réelles leçons, alors l'archerie demeurait un simple symbole du chevalier, délaissé à l'école. Nous possédions toujours une belle rangée d'arcs d'entraînement, dans laquelle je me servis pour commencer mon enseignement, toute seule.

Mais cela n'avait rien à voir avec l'escrime. Je n'avais aucun don particulier, et la pratique était un cauchemar, au début.
La corde de l'arc était rude, si bien que le simple fait de la tendre me donnait du fil à retordre. Il me fallut des mois entiers simplement pour acquérir assez de puissance dans les bras, tout ça pour bander sans trop d'efforts mon arc. J'apprenais à la dure la raison de l'abandon du tir à l'arc par l'école de chevalerie.

Pendant longtemps, mon pouce et mon index droit suffoquèrent sous des bandages sanguinolents, abîmés par le frottement répété.

Pour devenir bonne archère, mon premier enseignement fut d'apprendre à supporter cette douleur.

Puis, j'en vins à apprendre à viser, à armer et à décocher. Je fabriquais mes propres cibles avec ce que je trouvais, et installais mes camps d'entraînement un peu partout dans le ciel, sur les îlots rocheux. Mes flèches, elles, me coûtaient tout ce que j'avais d'argent de poche, achetées chez Arpignon, l'armurier du marché couvert.

Je dus redoubler d'efforts pour maîtriser mes muscles au point où je ne tremblais plus. Mais ce n'était pas fini, il fallait encore apprendre à viser, me rendre compte des distances, de la puissance nécessaire, un véritable calvaire.
Cependant, en avançant, je ne me rendais pas compte d'à quel point j'avais progressé, comme je ne m'arrêtais jamais. Je ne faisais pas la démonstration de mes talents, trop occupée à me perfectionner. C'est quand je retombai sur une de mes vieilles cibles croulantes, que je souris en félicitant ma motivation.
Mon arc d'entraînement craqua quelques temps après, et je décidai de m'en offrir un tout neuf. Dorco de l'atelier de rénovation accepta ma requête en échange de deux-cent rubis.
Un prix qui faisait mal sur le moment, mais lorsque je reçus mon bien, je me sentis plus fière que jamais.
Onduleux de courbures et de pointes métalliques, il rendait mes mouvements gracieux et acérés. Sa corde épaisse et brillante se maniait parfaitement sous mes doigts. C'était mon bien le plus précieux, fruit de mes efforts. Maintenant que je l'avais en ma possession, je sentais que je n'étais plus une archère quelconque.

J'étais devenue une chevalière, à mes yeux. Mon épée, mon arc, et mon carquois accrochés au dos, je n'avais plus de raison de résister à l'appel de la Terre.

Vint le jour du vingt-cinquième anniversaire de l'école, le jour qui allait marquer un véritable tournant dans ma vie. Le jour où le plan que j'avais fomenté depuis des années, que j'avais rêvé debout et éveillée, allait se mettre en place.

Contre le nom de mon Créateur 【Ghirahim x Reader】SSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant