👑 Partie 4

31 5 0
                                    


Ivan eut rapidement onze ans. À onze ans, il passait son temps à s'entraîner jour et nuit. Il était déjà assez grand pour son âge, mais il manquait (naturellement) de muscle, ce qui le poussait à faire énormément d'efforts pour devenir plus fort. Tristement, ardemment, il s'exerçait, il se faisait mal, il pleurait. C'était un garçon qui vivait la vie d'un jeune homme. Il forçait son corps à grandir, à se développer. Il obligeait sa tête à réfléchir, à mûrir. La peur toujours collée à chaque pores de sa peau, il se croyait contraint d'être à tout moment capable de se défendre. Il se rapprochait de l'âge nécessaire pour accéder au trône, il n'était désormais en sécurité nulle part.

Il venait rarement au château, fuyant le plus possible les boyards et en particulier Stanislav Bielski. Cet homme était sans aucun doute la personne - si on pouvait le qualifier ainsi - qui le terrorisait le plus au monde, son pire cauchemar. C'était essentiellement à cause de lui qu'il s'entraînait aussi férocement, dessinant au fil des mois des muscles qui n'auraient pas dû apparaître aussi tôt dans sa vie.

Dans la poche de sa fourrure, il avait toujours le même couteau. Celui qu'il gardait pour sa sécurité ou pour ses impulsions malsaines qui le prenaient lorsqu'il était un peu trop sur les nerfs. Depuis quelques mois, il ne se contentait plus d'éventrer quelques oiseaux. Lorsqu'il avait besoin de se défouler, il s'en prenait parfois aux chats, aux chiens du village qu'il prenait un curieux plaisir à les regarder se vider de leur sang. Ces moments, il s'en délectait pour mieux se torturer après. Il se flagellait mentalement de trouver du plaisir à voir ces animaux souffrir et pourtant il recommençait. À chaque fois.

Un jour de grosse tempête, Ivan s'était vu contraint de se réfugier au château pour ne pas se faire emporter par les vents violents et risquer de se faire engloutir par la neige. Alors, comme lorsqu'il était plus jeune, il trouva refuge dans l'écurie. Il désharnacha son cheval avec un peu de mal et se réfugia dans la paille pour se tenir au chaud, enfouissant ses mains à l'intérieur de sa fourrure. Il frissonna furieusement et, même si le froid le dévorait, il savait qu'il s'agissait des frissons de peur. Il était de retour au château après plusieurs mois à l'avoir fui, après plusieurs longues semaines à avoir erré dans le pays.

Si auparavant il rattachait cet endroit aux souvenirs de sa mère et du personnel chaleureux du château, désormais il ne revoyait plus que la tête empalée de Madame Dragana et ne revivait plus que les souvenirs des tortures, physiques et mentales, qu'il avait subit. Il se promit que dès la tempête levée, il s'enfuirait à nouveau. Mais cela pouvait durer plusieurs jours, il le savait.

Le lendemain matin, Ivan se réveilla en étouffant un gémissement. Son ventre hurlait, fort, et une nausée le prit violemment. Cela faisait deux jours qu'il n'avait rien avalé et il avait à peine bu quelques gorgées d'eau dans un seau qu'il avait trouvé dans une des stalles de l'écurie. Il inspira doucement, prenant de grandes goulées d'air pour tenter de se calmer et finit par se lever. Après une caresse sur l'encolure de son cheval, il se dirigea vers la sortie afin d'analyser le temps et soupira. La tempête n'était pas calmée et il savait qu'elle ne le serait pas non plus le lendemain.

Ivan passa une main nerveuse dans ses cheveux blancs. Il allait être obligé d'aller chercher quelque chose en cuisine s'il ne voulait pas mourir de faim.

Alors une heure plus tard, suggérant qu'il était aux alentours de six heures du matin, il se dirigea vers les cuisines. La plupart des boyards dormaient encore à cette heure-ci, il ne croiserait donc normalement que des domestiques. Cela ne manqua pas. Lorsqu'il passa les portes, il fit face à une quinzaine de personnes attelées à leur tâche : cuisiner, préparer, être prêt à partir au moindre appel.

Évidemment, il se fit très vite repérer. Une femme lâcha presque son plateau en le voyant, et une autre posa son couteau pour plaquer ses mains sur sa bouche.

« Kingdoms » - Kingdom (Recueil)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant