« Kingdoms » - Kingdom (Recueil)

👑 Partie 8

Un long silence déchira le village d'Ovno. La plupart des gens avaient fui, les mères avaient tiré leurs enfants et les vieillards étaient rentrés chez eux. Seuls restaient le cortège et quelques habitants qui étaient bien trop tétanisés pour effectuer un seul mouvement.

Sous leurs yeux encore écarquillés de stupeur, Ivan soupira légèrement. Il se recoiffa rapidement, réajusta sa couronne et s'empara finalement de ses rênes. Dans le silence, il donna un coup de talon dans les flancs de son cheval et bifurqua vers la sortie du village.

Quand il s'aperçut que personne ne le suivait, il s'arrêta.

« Nous rentrons au château, je ne suis plus d'humeur à voyager aujourd'hui. »

Puis il s'adressa aux villageois.

« Je laisse le corps du conseiller ici. Libre à vous de l'enterrer ou de l'abandonner. »

Malgré tout, la plupart des habitants d'Ovno s'inclinèrent : Ivan restait leur tsar - donc en tout point supérieur à eux - et, en plus du respect un peu bancal qu'ils lui accordaient, ce qu'il venait de faire subir à son propre conseiller avait suffit à les soumettre un peu plus. Si le tsar pouvait faire autant de mal à la personne en qui il avait le plus confiance, il n'y avait aucun doute qu'il pourrait faire bien pire à n'importe lequel d'entre eux.

Ivan ne se préoccupa pas de cet élan soudain de respect, qu'il avait pourtant attendu lorsqu'il avait posé un pied dans ce village à peine une heure auparavant. Il ne jeta pas non plus un seul coup d'œil au corps de Dann, se contentant de serrer un peu ses doigts sur ses rênes. Ce qu'il venait de faire aurait dû le ronger. Il aurait dû regretter ce geste et s'en vouloir.

Pourtant, rien de tout ça ne le frôla. Aucune de ses pensées n'étaient émue, aucun de ses battements de cœur fou de regret. À vrai dire, sa seule préoccupation et son seul soulagement furent qu'il n'entendait plus cette voix qui l'avait poussé à commettre un tel acte. Il ne l'entendait plus crier, tout comme il ne sentait plus cette fumée noire lui échapper. Tout avait disparu de la même façon que c'était apparu : sans qu'il ne puisse le contrôler.

Il se demandait d'où cette voix était venue. Elle avait beau avoir hurlé, elle avait fini par lui sembler assez douce, presque maternelle comme si peu importe ce qu'elle pouvait lui dire, chacune de ses paroles était dans l'intérêt de lui venir en aide. Instinctivement, il toucha l'or froid de sa couronne et soupira lentement. Peut-être était-ce elle qui s'était adressé à lui ? Peu importe à quel point cela pouvait paraître impensable, c'était elle qui avait commencé à ternir ses cheveux et à changer son comportement, après tout. Si c'était réellement le cas, alors il lui faisait confiance. C'était elle qui l'avait mené à développer et embellir son royaume, elle ne pouvait qu'être de bon conseil. Si la couronne lui avait demandé de tuer Dann, c'était qu'il devenait une menace.

Dans ses pensées, Ivan mit quelques secondes à entendre qu'on l'appelait. Il avait déjà parcouru plusieurs mètres sur son cheval, si bien qu'il voyait le village d'assez loin pour ne plus en apercevoir les habitants. Jetant un coup d'œil à son cortège, il chercha à savoir qui avait bien pu l'interpeler. Mais personne ne sembla vouloir lui adresser la parole.

« Votre Altesse Ivan ! » entendit-il hurler encore.

Cette fois, il se tourna en direction du village et aperçut un cheval galoper jusqu'à lui. Sur son dos ne se trouvait nul autre que Jahan, l'un de ses amis d'enfance. Il ne pût cacher son étonnement en le voyant arriver car non seulement il ne l'avait pas revu depuis quelques années, mais en plus de cela ils ne s'étaient jamais réellement bien entendus. Le cheval de l'orphelin arriva enfin jusqu'au cortège et Jahan s'adressa à nouveau au tsar.