Chapitre 1 : Tourbillon

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Le tourbillon était presque insoutenable et rendait tout contrôle impossible.

De toute manière, les commandes grésillaient sous une fine couche d'étincelles homogène ; tenter d'y toucher relevait du suicide.

La tête penchée en arrière et les dents serrées, les mains fermement agrippées sur les accoudoirs de son siège, Kil attendait la suite ; son cœur battait relativement lentement considérant la gravité de la situation autour de lui couplé au hurlement strident des alarmes dans ses oreilles.

Derrière la vitre, ses yeux révulsés et injectés de sang ne distinguaient qu'un fouillis de bleu et d'éclats blanchâtres formant un maelstrom de formes indiscernables.

Dans sa tête, une chanson se lançait en boucle, souvenir lointain dont il ne se rappelait plus où il l'avait déjà entendue. Peut-être fredonnée par lui-même, ou captée sur une onde radio populaire, cela n'avait pas d'importance. Au moins, il n'était pas dans le silence et s'il devait mourir au terme de son plongeon, ce serait en musique.

Ses poumons étaient de plus en plus oppressés dans sa cage thoracique et il se dit qu'un autre être plus faible aurait déjà certainement succombé à l'asphyxie. Heureusement, son corps était bien habitué à ce genre de condition et il gardait la tête froide.

Un choc brutal fit craquer un os dans sa nuque et une douleur aiguë s'élança entre ses omoplates, faisant riper ses dents serrées et mordre profondément dans sa langue. Un liquide au goût métallique emplit sa bouche et il le laissa couler le long de sa gorge, les yeux toujours fixés sur l'extérieur. Le bleu dehors avait laissé sa place à un océan grisâtre indéfini, toujours rythmé par le mouvement tourbillonnant de son appareil incontrôlable.

Il perdit connaissance quelques instants mais un ralentissement significatif lui fit reprendre ses esprits et il n'en crut pas ses yeux lorsqu'il les rouvrit. L'atmosphère l'avait comme porté dans ses bras et déjà le mouvement circulaire se calmait pour le laisser place à des formes plus nettes à l'extérieur. Il venait de traverser un nuage compact de gaz gris et avait finalement pénétré dans l'atmosphère claire et blanche d'une planète, se dirigeant dangereusement vite vers le sol prêt à l'accueillir.

Mais un fait était certain : le poids de l'atmosphère ici avait ralenti sa course folle et les refroidisseurs d'urgence se déclenchèrent pour éviter une explosion, c'était déjà ça de gagné.

Maintenant, il s'agissait d'atterrir sans finir carbonisé dans une explosion pyrotechnique grandiose et de rester en vie. Il devait à tout prix profiter de ce ralentissement miraculeux pour reprendre le contrôle de son vaisseau.

Putain qu'est-ce que j'ai chaud... Mon dos me fait un mal de chien, mais je dois me redresser. Bordel j'ai plus l'âge pour ces conneries, pensa l'homme toujours vissé à son siège.

Kil se redressa en expulsant l'air comprimé dans ses poumons et grimaça de douleur. Il put atteindre le bouton sous le tableau de bord qui déclenchait le redémarrage de ce dernier. Il espérait ainsi permettre au système d'exploitation de son vaisseau de corriger les erreurs dues au tourbillon afin de reprendre les commandes manuellement.

Pendant un instant interminable et terrifiant, tout le courant du vaisseau se coupa, le plongeant dans un silence total et oppressant. Tout ce qu'il entendait était les battements de son sang cognant contre ses tempes.

Mais après de longues secondes qui parurent une éternité, le courant revint enfin à la normale et Kil redressa immédiatement le nez de son appareil qui arrêta son interminable balais aérien.

Tenter de remonter à travers le brouillard gris semblait trop incertain et pourrait lui faire reperdre le contrôle, alors il préférait trouver un moyen d'atterrir quelque part et prendre le temps de se reposer un peu et de faire le point sur sa situation.

KILOù les histoires vivent. Découvrez maintenant