Chapitre 47 : Ataraxia

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Dans l'antichambre de l'Auditorium, les coulisses de la scène, on n'entend que quelques bruits étouffés. Le craquement du bois, le bruit des pas de Walter, Mici et Lana. La poussière vole, un rayon de soleil traverse la pièce. 

Émilie ferme les yeux, comptant ses inspirations et ses expirations, fermant les poings face à elle. La jeune femme se sent lentement tomber en arrière, les images défilent dans son esprit. 

- " Elle va nous entendre, fais attention." 

L'air se fend à plusieurs reprises. La foudre apparait et disparaît, tranchante, irrégulière.

- "Tu crois que j'ai peur de lui dire en face, c'est elle qui devrait avoir honte, pas nous. Voler le mec de sa meilleure amie..."

- " Contrôle toi. Tu vaux mieux que des rumeurs... " Les lèvres d'Émilie bougent, psalmodiant d'une voix inaudible. 

- " C'est pas surprenant, tu sais ce qu'on dit des filles qui ont pas eu de père. "

La prise d'Émilie s'affaiblit, les chaînes glissent soudainement de ses mains, la marée noire l'envahit. Un gouffre sous ses pieds, des milliards de mots se plantent dans son dos comme en milliers d'aiguilles. Tout tourne autour d'elle, le monde est froid, ses poumons recouverts de béton. 

Le miroir explose en mille morceaux sous la frappe de la foudre intraitable, sans pitié. 

Émilie pousse un cri de détresse, se protégeant sous ses mains pâles.

Curieusement, les morceaux de miroir ne l'atteignent pas. Elle rouvre les yeux, reprenant difficilement son souffle.

Autour d'elle, la lumière frappe les fragments de miroir qui flottent, comme de minuscules soleils flottants. Des morceaux d'yeux dorés qu'elle n'a jamais réussi à saisir, des fragments de taches de rousseur qu'elle haït secrètement. Son reflet est éclaté à travers l'antichambre en milliers de facettes qu'elle observe silencieusement. Peut-être représentent-ils l'état dans lequel elle se trouve en ce moment même... Morcelée, voilà comment Émilie se sent dans tout cela. 

Le silence pèse lourdement pour elle, mal à l'aise, la jeune femme sent sa gorge se serrer. 

Walter Gardenian quant à lui, ne semble pas si préoccupé. Il dirige les morceaux de miroir à la manière d'un chef d'orchestre, dans une rivière flottante de diamants. 

- " Tu n'as pas eu peur hein? " Lance Émilie, à pas de loups. 

Walter secoue la tête de droite à gauche. 

- " Tu te rends compte haha... Je pourrais tuer quelqu'un avec ça... " Continue-t-elle, en regardant ses mains nerveusement. 

Agacé par la modestie de la jeune femme, Walter se retourne. 

- " Et alors... Tu te crois spéciale?" Lance-t-il, en haussant les sourcils. " Je peux te tuer d'au minimum dix manières différentes, allant de trois secondes à cinq minutes. Implosion des organes, choc traumatique, chute, compression, arrêt cardiaque...  Ça te rassure? "

Émilie se tourne vers lui absolument terrifiée et mal à l'aise, son visage crie "Est-ce que je peux rentrer chez moi?!"

- " Me regarde pas comme ça, je t'ai épargnée la pire." 

- " Qui est?" Émilie gigote, sa voix fait des trémolos. 

- "Mon physique avantageux, fait des milliers de victimes chaque année. " Explique Walter, avec un grand sérieux. 

Il brandit ses mains pour éloigner les meubles au fond de la pièce, non sans rigoler tout seul à sa propre bêtise. 

- "T'es vraiment insupportable! " Marmonne Émilie, irritée. " Je te parle de choses sérieuses et tu rigoles, je ne considère pas ça comme une simple blague. Tout ça... C'est dangereux. Ça pourrait et ça a déjà fait du mal à des gens que j'aime... Je déteste le fait que ça vienne de moi, je ne sais pas ce qu'il faut que je corrige, je ne saurais pas comment m'y prendre. J'ai envie d'avoir le contrôle complet mais... Je n'ai aucune discipline sur ce que je ressens. "

Alistair Gardenian et l'Ordre des GardiensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant