Prologue

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    Sa main qui demeure dans la mienne reste l'unique source de chaleur qui me rattache encore à la réalité. Cette réalité que je ne peux accepter.

Je suis un assassin et un fou.

Je tremble, elle aussi. Des sangles me retiennent au niveau du torse et m'obligent à rester allongé. La lumière blafarde pointée sur nos visages m'aveugle un instant. Une odeur d'iode emplit mes narines.

Un mur blanc nous fait face. Sur celui-ci, une horloge, aux écriteaux rouges, indique 11h11. Un bruit strident de turbines, qui tournent à plein régime, remplit tout l'espace et étouffe nos soupirs.

Une larme coule sur ma joue.

Douloureusement, je bascule la tête. Sa peau est constellée de givre. Celui-ci ne cache pourtant pas ses cicatrices qui transparaissent derrière l'éclat bleuté de son sang qui se mêle au mien.

Je me suis battu, en vain. Au point de m'arracher les chairs, au point de finir comme elle.

Hagarde, ses pupilles s'écarquillent avant de se voiler de regrets. Sa bouche se fige dans un rictus de souffrance et un mince nuage de buée s'échappe de ses lèvres violacées.

Voici le visage de la mort que j'ai fabriqué.

Brusquement, une porte s'ouvre, des pas martèlent le sol. Tout mon être s'emballe. Je sais ce qu'il va se passer. Je sais ce qu'ils vont faire.

Mes doigts se tordent pour effleurer une dernière fois la moindre parcelle de sa peau tandis qu'elle s'use à tendre son bras davantage.

Connectés, encore.

Mon cœur se serre lorsque nos regards se croisent. Je ne savais pas que, pressé par l'angoisse du trépas, on pouvait dire je t'aime avec les yeux. Il y a des moments d'impact où certaines secondes durent une éternité. Nos iris signent alors une ultime promesse.

Un contrat d'âme.

Je viendrais te chercher dans n'importe quelle vie, dans n'importe quel monde, pourvu que tu y sois.

Séparation.

Nos mains se lâchent. Nos lits roulent vers des directions opposées. Amorphe, je ne peux que subir le destin que l'on a choisi pour moi.

Pour nous.

J'aperçois, de manière fugace, des blouses blanches et des visages qui se penchent sur moi. La lumière est si intense que je ne distingue que des ombres. Celles de mes cauchemars.

Le matelas, sur lequel je repose, se soulève doucement mais sûrement à la verticale. Le bruit des turbines envahit mon esprit et je m'égare entre deux réalités. Je décolle tandis que des hélices, faites de ténèbres, m'absorbent.

Mon âme s'égare, s'envole.

S'évader loin d'ici, loin de moi, sera ma seule option, mon unique salut.

Essence Indigo  - Sarah JOAN ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant