Chapitre VI : Extasy

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« L'avenir a le don d'arriver sans prévenir. » - Georges.F.Will

Quand on est au lycée, les soirées constituent l'opportunité de s'affirmer et de goûter à ces interdits sur lesquels on fantasme. Elles sont un moment de gloire, d'insouciance où tout est permis. Un moment où l'on peut être qui l'on souhaite et tout oublier le lendemain. En grandissant, on s'en lasse, on comprend peut-être que tout ça est faux et éphémère. Ce sentiment de bien-être débridé n'est qu'illusoire et disparaît avec tous ses artifices.

Après le bac, je me suis éloigné du monde de la nuit, préférant me consacrer à mes études pour viser l'excellence que je désirais tant. Je voulais être le meilleur et je voyais les soirées comme une perte de temps.

Ce soir, je suis porté par une énergie nouvelle et l'envie que cette nuit-là soit différente. Est-ce l'alcool de cet après-midi qui me procure ce sentiment ?

Non. Il y a quelque chose en plus. Une petite voix intérieure qui me murmure de me lâcher et que tout ira bien.

Avec Louis, on débarque en sautillant dans les rues de Ponsoby, un ancien quartier où les traces de la colonisation anglaise sont reconnaissables. De grandes maisons bourgeoises sont collées les unes aux autres avec des façades parées d'ornements.

Nous retrouvons Julia et son groupe d'amis attablés dans un bar, assez réputé, La Chapelle. La plupart d'entre eux sont français, mais une Allemande et deux Italiens les accompagnent. Il se dégage de ce groupe une vraie cohésion et ils paraissent ravis de rencontrer de nouvelles personnes. Tous se sont apparemment connus dans leur école de langue.

Louis s'est placé à côté de Julia et n'a de cesse de la contempler et de lui sourire, ce qu'elle lui rend très bien. Ils se plaisent mutuellement, ça crève les yeux. Je me surprends à être envieux de ce genre de jeux de séduction sincère où l'on se pose mille questions. Ce genre de jeu qui en vaut la chandelle menant vers une belle et longue histoire. Mais les belles histoires ont toujours une date de fin et quand ça arrive ça fait souffrir, affreusement souffrir.

Les amis de Julia sont à son image : sympathiques, bons vivants et à l'écoute. Nous partageons la même envie de passer une bonne soirée et ils ne sont pas en reste sur leur consommation. Les tournées s'enchaînent à un rythme qui commence vite à me dépasser, mais qu'importe. Je suis là pour m'amuser et profiter. L'alcool me monte à la tête et un sentiment de puissance grandit en moi.

Pour calmer mes ardeurs, je sors fumer une cigarette devant le bar. Peu de gens fument en Nouvelle-Zélande, à part les étrangers, et le prix des paquets est très élevé : vingt-cinq dollars, l'équivalent d'une trentaine d'euros. Cela m'a poussé à réduire radicalement ma consommation. Julia est également dehors, en train de s'en griller une, et me fait signe de la rejoindre.

Tu passes une bonne soirée ? me demande-t-elle d'une voix joyeuse.

Je ne suis pas le seul à être éméchée. La jeune femme se dandine, les yeux brillants, au rythme de la musique provenant de l'intérieur du bar.

Super et toi ? Alors avec Louis, ça donne quoi ?

Elle sourit, visiblement gênée par ma question impromptue.

Je l'aime bien, mais on verra... Je sors d'une relation de trois ans, je n'ai pas envie de me mettre en couple tout de suite et surtout pas en voyage.

Je comprends. Il t'aime bien en tout cas... Je ne l'ai jamais vu parler ou regarder une fille avant toi.

Tu dis ça parce que c'est ton ami, feint-elle d'un air à la fois sceptique et amusé.

Essence Indigo  - Sarah JOAN ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant