Posture ; bases

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– Et c'est comme ça qu'une semaine après, je me suis retrouvée avec un vieux justaucorps, un vieux tutu et les demi-pointes d'une fille d'une amie à ma mère. Elle avait grandi et ses chaussons ne lui allaient plus.

– Donc ta mère les a récupérées, hop, ni vu ni connu et zou, une paire pour Jōriko.

– T'as tout compris ! Et en arrivant dans les vestiaires, je me suis dépêchée de les enfiler pour me sentir enfin réellement une danseuse classique. Quand je suis entrée dans la salle me suis fixée une dizaine de minutes dans le miroir, faisant glisser le bout de mes chaussons sur le parquet, tentant de réaliser les positions de base. La professeure a légèrement ri puis m'a envoyée à la barre, avec toutes les autres.

– Premier jour et tu te fais déjà remarquer, incroyable.

– C'est vrai qu'elle a dû se souvenir de moi !

– Ce n'est pas bien compliqué en même temps.

– Oh. Hum, du coup, durant ce premier cours, mes souvenirs sont un peu vagues mais je sais qu'elle nous a appris les bases, les cinq réelles positions ainsi que la sixième. On faisait juste des pliés dans chaque position et voilà. Ça nous a pris une heure mais plus je les faisais, plus j'avais le sentiment que plus tard, je serai danseuse étoile. Je n'avais que les rudiments mais je me voyais déjà à l'Opéra Garnier ou sur les plus grandes scènes américaines. J'avais tellement d'ambition, ça me manque presque.

– Tu ne l'as pas perdue, ton ambition. Tu es juste dans une de ces phases un peu floues.

– Je ne sais pas. Mais je ne cherche pas à savoir, en même temps.

– Continue ton récit.

– Ah oui ! Où en étais-je ?

– Les rudiments, ton rêve de danseuse étoile, tout ça, quoi.

– Oh oui, merci ! Donc, ça avait beau être qu'un premier cours, j'étais persuadée qu'il y en aurait une quantité innombrable d'autres. À ce moment-là, je ne faisais encore qu'une heure de danse par semaine, le vendredi soir. Durant le week-end, je passais mes journées à refaire les six positions, à placer mes bras correctement devant le miroir, à m'assouplir avec des demi-pliés et des pliés.

– Tu veux pas me montrer les six positions parce que je t'avoue que je comprends pas trop.

– Plus tard, plus tard. Écoute juste. Je disais donc, le week-end, je ne m'adonnais à rien d'autre qu'à la danse, je ne voyais que ça dans mon quotidien, je n'aimais que ça. Je ne voyais même pas comment les personnes qui ne dansaient pas pouvaient vivre. Il fallait avouer que j'avais trouvé une bouée de sauvetage, une chose qui me ferait survivre.

– Ta famille faisait de la danse ?

– Non. Personne n'a jamais été artistique dans ma famille, il n'y en avait que pour les études scientifiques. Mais ça ne m'a jamais dérangée. Il faut dire que dès le début, ma mère a vu que j'étais amoureuse du ballet, que je m'épanouissais dans ce milieu et que j'avais un avenir dedans. Elle croyait en moi.

❀ AVERSION | 𝗮. 𝗮𝗿𝗺𝗶𝗻Où les histoires vivent. Découvrez maintenant