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Je me souviendrai toujours du jour où Junghyun s'est - littéralement - fait jeter hors du nid familial la journée de ses vingt ans.

Je me souviens encore de son visage horrifié, le cul sur l'asphalte de notre allée et les têtes mémorables de nos voisins alors que ma mère lançait carrément les vêtements de mon grand-frère par la fenêtre de sa chambre.

Et moi, con que je suis, du haut de mes dix-huit ans, je le regardais d'un sourire en coin arrogant, adossé contre l'encadrement de la porte d'entrée.

Et moi qui me croyais à l'abri des foudres de ma mère à ce moment-là. À ce moment-là, je pensais que mon grand-frère avait fait une immense connerie (du genre test de grossesse positif)...

Ahlala...

Comme j'étais naïf.

Je ne me doutais pas que c'était une sorte de tradition familiale obscure des Jeon, de foutre tous ses enfants dehors à l'âge de vingt ans.

Et justement, alors que je la regarde lancer le tout dernier poster qui ornait le mur de ma chambre (soit un poster de Justin Bieber), que j'ai compris que je n'échapperais à la même sanction que mon frère.

Elle se tourna donc vers la dernière chose qu'elle devait virer de la chambre.

Moi, donc.

Ma mère s' approche donc de moi comme un prédateur guettant sa proie.

Yep.

C'est toujours de moi qu'on parle.

Elle me prend soudainement par le col de mon hoodie vert et me force à descendre les escaliers une nouvelle fois. Je la suis, parce que, merde, j'ai encore mal au coccyx et que je veux pas réitérer l'expérience. Une fois me suffit amplement.

Du coin de l'oeil, je vois mon père prendre une gorgée de café comme si c'était une journée comme une autre.

Et que ma mère ne fait pas un boucan monstre depuis plus d'une heure à jeter tout ce qui peut passer par ma fenêtre.

Elle me dirige vers l'entrée, ouvre la porte, me pousse, me lance mes Timberlands à la gueule et claque finalement la porte d'entrée.

Je perds l'équilibre un moment, je bat désespérément des bras pour le recouvrer et je m'appuie finalement contre la porte.

Immédiatement, je frappe contre celle-ci à m'en briser les jointures.

«Maman! PAPA! Je supplie. OUVREZ-MOI! S'IL-VOUS-PLAÎT! OUVREZ-MOI!»

Oublions la dignité et l'orgueil! J'ai froid, je suis trempé, je suis mis à la rue par ma propre famille pour aucune raison valable et il pleut toujours aussi fort dehors.

Je continue de cogner, bien que je sache au fond de moi que ça ne changera rien.

Quand Junghyun s' est tenu au même endroit que moi, soit devant la porte, dans la même position que moi, soit en train d'essayer de frapper contre le battant de la porte en hurlant, au moins il ne pleuvait pas.

Et moi, comme un con, je le regardais de ma fenêtre en le narguant.

Quand on m'a dit, un jour, "Karma's a bitch", j'ai pas immédiatement allumé.

Premièrement, parce que je ne comprenais pas un taître mot à l'anglais alors j'avais entendu "Karmazabiche" (et que sur le coup, j'ai répondu "c'est un pokémon?") et que deuxièmement, quand on m'a expliqué, j'étais trop confiant en me disant que, le karma, c'était pour les crédules.

Eh bien, comme on dit "Karma's a bitch", on dit "Il faut le voir pour le croire".

Ce qui est totalement faux dans mon cas.
J'ai vu ma mère balancer les affaires de mon frère par la fenêtre. J'ai vu mon frère supplier ma mère... et pourtant, comme un con, j'ai pensé que j'allais être l'exception à la règle.

La Coloc' [reupload]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant