Chapitre 1

657 57 3
                                    

C'était un jour comme les autres. Le ciel était gris. La salle était pleine. Minho avait le bras endoloris à force de porter son plateau remplit de tasses et d'assiettes, vides ou pleines. La routine. Mais la routine a du bon aussi. Rien d'imprévisible. Rien de potentiellement dangereux. Pour le corps et pour l'esprit. La tranquillité. Minho appréciait cela. Bien qu'il s'ennuyât.

Et comme d'habitude, il y avait ce client installé à la table la plus reculée de la salle. Ce client qui avait l'air bien trop jeune pour passer son mardi après-midi derrière son ordinateur avec une tasse de chocolat chaud désormais froid à sa droite. Minho lui donnait dix-huit ans, peut-être vingt, au maximum. Il devait être à la fac. Si ce n'était que la première fois que Minho le voyait à cette place, cela n'aurait rien eu d'étonnant. Un prof absent. Un emploi du temps arrangeant. Il pouvait y avoir beaucoup de raisons. Mais il était déjà ici hier. Et deux jours la semaine précédente. Sans parler du mois dernier.

Mais ce n'était pas son problème à Minho. C'était juste un client régulier parmi d'autre. Comme Madame Lee qui venait chaque semaine prendre son latte caramel avec double dose de sirop et pour laquelle on faisait une entorse au règlement en la laissant emmener ses chiens à l'intérieur. Minho aimait bien Madame Lee. Elle lui laissait toujours un pourboire.

Alors non, l'adolescent au fond de la salle n'avait rien de spécial. Un client régulier avec un visage d'ange et une addiction pour le chocolat chaud. Rien qui ne changeait de l'ordinaire. A force de se le répéter, peut-être le serveur parviendra-t-il à s'en persuader.

Minho jeta un coup d'œil à l'horloge murale. 15h30. Dans une demi-heure, son collègue Seungmin arriverait et ils devront se préparer à l'effervescence de la fin d'après-midi. Et le jeune homme disparaitrait. Pas que Minho y faisait particulièrement attention (il y faisait attention), il se trouvait juste qu'il avait remarqué ce détail. Le barista avait deviné désormais que son client régulier évitait les foules avec une constance impressionnante. Il était toujours là aux heures creuses, et disparaissait au moment du rush. Comme un fantôme, sans un bruit, sans prévenir, il était là puis il n'y était plus. Encore une fois, Minho n'y faisait pas vraiment attention. Non, Minho n'avait définitivement pas élaboré des hypothèses quant à son comportement. Ce n'était pas son style.

Le garçon de café passa son regard sur la salle. Vide. A peu de choses près. Il fit trois pas, ramassa une assiette et une tasse vide. Les lava. Les posa sur le bord de l'évier pour sécher. Le voilà de nouveau désœuvré. Un nouveau coup d'œil jeté à l'horloge lui indiqua que cinq minutes avaient passé. Il s'essuya les mains. Le calme avant la tempête. Il poussa un soupir. S'accouda contre le plan de travail. Observa ses ongles.

N'y tenant plus, il s'afféra derrière sa machine à expresso. Dernière qualité. Son patron était un vrai amateur de café. Il ne pouvait que le lui concéder. Minho aimait aussi beaucoup le café. Il était satisfait de pouvoir utiliser celle de son lieu de travail plutôt que celle miteuse de sa cuisine. Elle ne tenait pas la comparaison. Mais la machine italienne ne s'arrêtait pas qu'à du bon café. Les chocolats étaient très appréciés aussi. Pas que Minho en ait fait l'expérience. Le chocolat chaud, de manière générale, était trop sucré à son goût et manquait d'intérêt. Mais ses clients aimaient lui glisser un compliment sur leurs boissons. La machine cessa de faire du bruit. La boisson était prête. Une fois la tasse prête à la main, il se dirigea au fond de la salle.

« - Cadeau de la maison » annonça-t-il en la déposant devant le jeune homme et débarrassant celle à moitié bue.

Son client releva les yeux de son écran, désorienté. Ses paupières papillonnèrent un instant, chassant les images pixélisées qui les emplissaient jusqu'alors. De retour à la réalité, il s'excusa.

« - Désolé.

-Pourquoi tu t'excuses ? »

Le tact n'a jamais été son fort, à Minho.

« - Parce que je squatte ici des heures alors que je ne consomme rien et c'est ta manière de me dire de dégager ? » tenta le jeune homme en se tordant les mains, ne pouvant soutenir le regard du garçon de café.

C'était au tour de Minho d'être étonné.

« - Si je voulais que tu dégages, tu serais déjà dehors. » Ce qui n'était pas faux. Minho n'avait jamais eu de problème à s'occuper des clients qui dépassaient les bornes, ceux irrespectueux ou – pire ! – bourrés. Ce n'est pas un étudiant gringalet qui lui poserait problème. « Et puis ce n'est pas comme si tu prenais la place de quelqu'un » poursuivit-il.

D'un geste, Minho invita le jeune étudiant à embrasser le commerce du regard. Mis à part un vieux avec son journal, il n'y avait pas un chat. L'inconnu rit doucement. Minho remarqua que ses lèvres formaient un cœur lorsqu'il souriait.

« - C'est vrai. Merci pour le chocolat.

-De rien. Tout pour nos plus fidèles clients. »

Après une révérence forcée qui arracha un nouveau sourire à son inconnu, Minho se retourna, prêt à reprendre du service après cette courte interlude. Mais le jeune homme leva la voix et le stoppa dans son élan.

« - Jisung. Mon nom est Jisung. »

Minho se retourna, le sourire aux lèvres.

« - Enchanté Jisung, je m'appelle Minho.

-Je sais. » Minho fronça des sourcils. « C'est écrit sur ton badge. »

Le rouge monta instantanément aux joues de Minho. Il se demanda un instant comment il avait pu oublier ce foutu badge. Il ouvrit les lèvres, près à rétorquer quelque chose, mais son inspiration lui coulait entre les doigts devant les yeux rieurs de son client – Jisung. Il referma la bouche. Le bout de ses oreilles étaient brûlantes.

Heureusement, la clochette située au-dessus de la porte annonça l'entrée d'un nouveau venu. Minho ne fut jamais aussi soulagé de voir le visage apathique de son collègue. Mais il ne lui avouerait pour rien au monde.

Il s'éloigna de la table sans plus de cérémonie, redoutant le regard goguenard de l'adolescent. Mais ce dernier ne riait aucunement de lui. Minho manqua seulement la nouvelle étincelle au fond des prunelles de Jisung. Dommage.

Café et chocolat forment le meilleur des mélanges [MinSung]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant