LE DERNIER SORCIER LIVRE 1 [STATUT : PUBLIÉ]

1.

CHAPITRE 1

Le corbeau du passé.

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« Le Cataclysme reste le plus grand mystère historique à ce jour. Nous en connaissons davantage sur l'Histoire de l'Ancien Monde que sur cet événement pourtant si important. Savez-vous pourquoi ce chapitre historique est encore si flou aujourd'hui ? »

La question du professeur d'Histoire tape en écho dans le grand silence de l'amphithéâtre plein à craquer d'une promotion de jeunes étudiants. Tous prétendants au titre d'Historien, ce si prestigieux titre qui fait miroiter bien de jeunes, bourrés d'ambition, en Nouvelle Amérique. Si jadis enfoncé son nez dans les vieux bouquins d'Histoire et en raconter leurs anecdotes les plus folles était loin de passionner n'importe qui, sur le Nouveau Monde, des milliers de jeunes essayent l'aventure chaque année. Devenir Historien est un rêve que l'Ancien Monde regarderait peut-être de haut. Ces hommes et ces femmes auscultants l'Histoire sont les rouages les plus importants aujourd'hui, des clefs de compréhension. Sans eux, l'humanité aurait probablement perdu connaissance de toutes ces racines. La profession se fait toutefois poussiéreuse, il n'y a plus grand chose à rapporter, plus vraiment de grande découverte faite au sujet de l'Ancien Monde.

Le professeur redresse ses lunettes en lune sur son nez, dont les narines sont cachées derrières une moustache bientôt grise qui se déplie telle la paille d'un vieux balais. Son diplôme, il l'a décroché il y a des années, il est vieux maintenant d'une vie qui lui a paru plus longue que la normale. Au fond de lui, il se plait à croire que tous les Historiens de son âge doivent avoir cette impression. Leur profession n'est pas si différente de ce qu'était-elle autrefois : retracer l'Histoire des Hommes et en protéger le souvenir de ses grands chapitres. Même après le Cataclysme, les Historiens se perdent la plus part du temps à l'examination d'objets trouvés, archives, vieux écrits, bibelots. Mais aussi, l'examination de leur mémoire.

Une main se lève, entre les têtes étudiantes soient trop timides soient trop incertaines qui n'osent répondre. Une jeune demoiselle, les cheveux tirés dans une queue de cheval brune lève la voix entre ses camarades.

« Si nous ne savons rien du Cataclysme, c'est parce que personne n'était là, pour le raconter.

— Exactement, jeune fille ! Personne n'était là, personne ne peut le raconter. »

Personne est un mensonge qu'absolument tout le monde a toujours gobé finalement. Personne c'est faux. Il y a bien quelqu'un, et tout le monde ici - ou presque -, du professeur jusqu'aux élèves, acceptent de faire semblant. Accepte de prétendre qu'il n'y avait personne.

Une autre main se lève sous la coupole de verre couvrant l'amphithéâtre, supportée par des poutres en bronze.

« Alors comment sait-on, pour le Cataclysme ?, demande un garçon cette fois. 

— Voyez-vous, c'est une excellente question que vous posez-là. Et la réponse est, comme l'événement, tout aussi floue, lui dit l'Historien. »

Il se sait un peu trop théâtrale, cela fait bien une dizaine d'années qu'il a fait le choix d'enseigner plus que de rechercher, alors il a l'habitude. Si la profession se fait vieille, lui aussi. Il fut un excellent Historien, en fait, il fut sûrement le meilleur d'entre tous, même s'il n'est pas du genre à se vanter. Si autant de visages se tiennent assit en face de lui, les yeux goinfrés par une curiosité que beaucoup perdront en court de route, est-ce bien parce que Lawrence brille du prestige de ses propres découvertes.