Reflection

𝐗𝐈. 𝐋𝐞𝐬 𝐦𝐢𝐥𝐥𝐞𝐬 𝐞𝐭 𝐮𝐧𝐞 𝐟𝐚𝐜̧𝐨𝐧𝐬 𝐝'𝐞̂𝐭𝐫𝐞 𝐮𝐧𝐞 𝐚𝐮𝐭𝐫𝐞 𝐦𝐨𝐢

Face à la nuit blanche que j'ai passée avec Constance, je somnole presque dans le bus, tandis que Kaya discute avec moi.

— Je ne savais pas que tu avais rencontré mon frère !, s'exclame-t-elle. J'espère qu'il a été sympa...

— Moui, ça va, répond-je en baillant.

À l'arrêt que prend normalement Lou, celle-ci ne monte pas, mais je ne m'en préoccupe pas. Noémie se tient à l'arrière du bus, et elle discute avec une autre fille en ricanant.
Je m'observe à travers le reflet de la vitre du car, et je souris en voyant que le beau chemisier et le pantalon que m'a prêtés Karine me vont plutôt bien.
Je songe à Constance, qui va aller faire les magasins pour moi aujourd'hui, et la remercie intérieurement.

En même temps, il est vrai qu'à part nettoyer la maison et se terrer dans notre chambre en attendant ses dix-huit ans, ma colocataire n'a pas grand chose à faire. Ça lui fera prendre l'air, au moins.

Bientôt, nous arrivons au lycée.

Aujourd'hui, j'ai décidé d'aller parler à Lou. Peu importe qu'elle me fasse peur, j'ai besoin d'aller la voir.
Il faut que l'on règle notre problème
d'échange de corps, et sans tarder...!

Tandis que je discute avec Kaya et quelques une de ses amies, j'aperçois Lou qui arrive en descendant d'une voiture. Je remarque qu'il s'agit du véhicule de Layla, et un sentiment nauséeux me remonte dans la gorge.

Comment se fait-il que la nouvelle Lou ait pu reprendre ma place dans ma vie avec autant de facilité ?
Aucune personne de mon entourage ne me connait assez au point de voir qu'elle n'est pas moi !?

Pourquoi est-ce que je dois me faire héberger par Karine en travaillant jusqu'à tard la nuit tandis qu'elle a retrouvé sans problème ma maison, qu'elle s'est permise de m'humilier lorsque l'on s'est croisé et qu'elle se fait déposer le matin en voiture par ma sœur !

La fureur et la frustration s'emparent de moi, et je m'excuse auprès de Kaya qui me parle en me dirigeant rapidement vers Lou qui blablate avec Lisa et Noémie.
Elles rigolent toutes les trois comme les meilleures amies du monde.

Comment cette Lou a-t-elle donc pu s'adapter au moule de ma vie avec tant de facilité ?
L'échange de corps ne l'a-t-il donc aucunement déstabilisée ?

— Lou, l'appelé-je en arrivant près d'elle.

Celle-ci se tourne et me fixe avec mépris, en me dévisageant des pieds à la tête.

Je l'observe, elle, qui a mes belles mains, ma belle peau mate, mes beaux cheveux épais et soignés, mes beaux habits que j'avais demandés pour Noël, ma belle coiffure que m'avait conseillée Noémie, mes belles lèvres pulpeuses et maquillées, mes beaux yeux bruns foncés et profonds, mon magnifique corps qui me manque tellement, mais qui a surtout toute ma vie.

À côté, je ne suis que laideur.
Liv n'est pas moche, non, mais...
Par rapport à Lou, on dirait une gamine sortie des égouts.

— Oui, quoi ?, me demande sèchement la jeune fille.

— Il faut que l'on parle, déclaré-je alors en refoulant mon envie de m'enfuir loin de cette abominable personne qui me fait peur et m'intimide, alors qu'elle se trouve dans mon corps.

Si j'avais été Lou, jamais je n'aurais été intimidée par quelqu'un.
Mais dans le corps de Liv, ce n'est pas pareil...

— Tu veux parler de quoi ?!, ricane-t-elle. Du métier que tu exerces avec ma sœur peut-être ? C'est pas parce que tu es pauvre et que tu dois bosser avec elle au restaurant qu'on est amie, figure-toi.