Tous mes dîners ont toujours été relativement calmes. N’ayant aucune envie de communiquer avec eux, je n’ai jamais engagé la conversation. Parfois, Elijah tente de m’interroger sur mes études ou mes fréquentations. J’ai toujours répondu le plus vaguement possible. Lorsqu’on voit ce qu’ils ont fait à Hugo, on se demande pourquoi ? Bien sûr que non…
Néanmoins, aujourd’hui, le silence est pesant, voire insoutenable. Je jette des coups d’œil furtifs à Elijah dans l’espoir qu’il nous sorte de cette situation gênante, c’est lui le plus bavard de nous trois. Il a toujours un truc à dire, que ce soit intéressant ou non d’ailleurs. Celui-ci prend soin de garder les yeux baissés sur son assiette. Je soupire bruyamment dans l’espoir de déclencher une quelconque réaction chez l’un d’eux, en vain.
— Ce n’est pas que j’apprécie vos voix mais si j’entends encore une fois un bruit de mastication, j’utiliserai ce couteau pour qu’aucun de vous ne puisse jamais rien avaler.
Deux paires d’yeux se posent sur moi, l’un menaçant, l’autre surpris que je prenne la parole. Je le suis tout autant, mais on ne peut pas être trois déprimés dans la même maison et j’ai décidé que ce serait moi, donc à eux de faire en sorte de ne pas l’être, qu’importent les raisons.
— De quoi veux-tu parler ? me questionne Elijah.
Je hausse les épaules. Eux et moi n’avons aucun point commun. Je suis à l’université depuis moins d’un an, ils tuent des gens. Et dans ces gens en question, on peut citer ma mère. Et Hugo. J’attrape mon verre d’eau pour me donner une excuse pour ne pas répondre.
— Je propose qu’on parle de ta position préférée, balance Soen en référence à mon interrogatoire de tout à l’heure.
Je m’étouffe, littéralement, si bien que je recrache la moitié de la flotte dans mon assiette et avale de travers le reste.
— Soen ! intervient Elijah. Ça va, Kenz ?
Prise d’une quinte de toux, je lève ma main, joignant mon pouce à mon index pour lui faire signe que je vais m’en remettre. Manquerait plus que l’un d’eux ait l’idée de me taper dans le dos. Vu leur entraînement intensif tous les matins, je ne veux pas me prendre de coups de leur part, ça c’est certain.
— Quoi ? C’est elle qui a proposé. D’ailleurs, je me demande bien pourquoi tu ne voulais pas te faire sauter dans les chiottes si c’était pour le sucer dans sa voiture quelques heures plus tard ?
Je lui lance le regard le plus noir que j’ai en réserve. Dites-moi que je rêve, pitié.
— Soen stop !
— Ma vie sexuelle ne te regarde absolument pas, dis-je en ignorant Elijah qui tente de temporiser.
Soen affiche un léger rictus en coin, ravi de me faire sortir de mes gonds. Je soutiens son regard ombrageux aussi longtemps que possible avant de finalement abandonner cette bataille qui n’a aucun sens. Soen est constamment dans l’affrontement, certainement une façon pour lui de démontrer sa prétendue domination sur le monde. En vérité, ce n’est qu’un adulte qui a oublié que la crise d’adolescence prenait fin un jour.
Il se pense roi, il est en réalité au sommet d’un château de cartes. Soufflez sur une et tout s’effondre. J’ai passé ma vie à observer ces mecs, aussi fascinants que détestables, horripilants qu’intriguants. Je connais leur fonctionnement et je sais, au plus profond de mon âme, qu’ils ont vécu des trucs affreux lorsqu’ils étaient gosses. Pas seulement parce que ça collerait avec ce qu’on apprend en cours, mais il y a toujours cette colère intense qui brûle dans leurs prunelles. Même le calme constant d’Elijah ne peut cacher ce qui brille dans ses yeux.
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The children of Fareden Tome 1 Broken Fate [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]
Storie d'amore[DISPONIBLE CHEZ SINNER PUBLISHING] Rien n'égale la haine que je ressens pour Soen. Hormis peut-être celle qu'il me porte. Voilà pourtant onze ans que nous sommes forcés de cohabiter. Onze ans qu'Elijah et Soen ont tué ma mère. Onze ans qu'une petit...