Chapitre 4 : Soen

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— Vous n’avez pas beaucoup d'autres options, déclare Elijah d’un ton qui se veut compréhensif mais ferme.

L’homme secoue doucement la tête en refusant catégoriquement de parler. C’était à prévoir, les méthodes d’Eli ont leurs limites, il tente toujours la diplomatie avant la violence. Je le laisse faire, je sais qu’il en a besoin. La finalité est, de toute façon, toujours la même : moi, usant de mes techniques de torture pour faire cracher le morceau à l’enflure qui nous fait face, peu importe qui il est. La délicatesse d’Elijah n’a fonctionné qu’une seule fois depuis que nous avons entrepris notre quête de justice. Une seule fois en treize ans, c’est peu.

Toutefois, il n’est pas comme moi. En réalité, il est certainement mon exact opposé. Il a besoin de se donner une image de gentil, au moins quelques secondes, de laisser le choix à ceux qui nous l’ont retiré pour ne pas être totalement comme eux. Je comprends. Je n’adhère pas, mais je comprends.

J’ai dépassé ce stade il y a fort longtemps. Être un bourreau auprès de ceux qui l’ont été avec moi, avec nous, ne me fait ni chaud ni froid. Bien au contraire, j’aime voir dans leurs regards la stupeur lorsqu’ils comprennent ce qu’ils ont créé.

Ils ne devraient pas être surpris : les monstres engendrent des monstres, ils le savaient très bien, ça ne les a jamais arrêtés pour autant.

La colère gronde en moi, réveillant mes plus bas instincts. Elijah tire sur le fin fil de ma patience, déjà tendu par les dix dernières minutes de négociation. Lui comme moi savons que sa tentative de diplomatie était morte dans l’œuf, désormais, il tente de se racheter une conscience en persistant.

Trop tard mon pote, il fallait y penser il y a treize ans.

— Soyez raisonnable, aucun mal ne vous sera fait si vous nous donnez ce que nous voulons.

C’est faux. Il va mourir dans tous les cas. Seulement, s’il se décide à parler avant que je n’amorce un pas dans sa direction, sa mort sera plus rapide et bien moins douloureuse. La vie est une question de choix, mais qu’importe ce qu’on décide, au final, on finit poussière. Lui à la chance de décider s’il le devient rapidement ou si la douleur finira par le tuer.

Je grogne d’impatience tandis qu’Elijah l’observe en penchant la tête sur le côté. Il ne se souvient pas de lui, moi si. Pour sa défense, ce très cher Hector Michel n’était pas le plus présent, nous avons dû le voir deux, trois fois maximum. Je me souviens de chaque seconde, comme avec tous les autres.

Hector baisse la tête, résigné. Cette fois, il n’y a plus aucun doute possible, il ne parlera pas de son plein gré. Avec délicatesse, j’attrape mon jouet du moment : le couteau que j’ai utilisé pour trancher la gorge du fumier qui servait de petit ami à Mackenzie. Je ne chérissais pas vraiment cette arme avant la semaine dernière, néanmoins, depuis qu’elle est entrée en contact avec le sang de cette petite merde, cette lame est devenue ma préférée.

— A mon tour de jouer, grondé-je.

La folie fait battre mon cœur plus fort, me menant aux portes de la tachycardie sans pour autant m’y faire entrer, se répand dans mon être. Ma respiration s’alourdit sensiblement, alors que mon sang s’échauffe dans mes veines. Cette pression qui m’habite tandis que je comble l’espace qui me sépare de cet enfoiré, est si douloureuse qu’elle pourrait me pousser à cesser tout mouvement si mon corps tout entier n’était pas en quête de sang, de vengeance et de cris. J’ai appris à apprécier ce qui fait mal et cela, avant même de savoir parler. Parfois, je ressens même le besoin de provoquer cette douleur, simplement pour me rappeler que je suis encore en vie.

Toutefois, aucune douleur n’est comparable à celle que j’inflige à mes ennemis. Elle se répand en moi, fait écho dans mon être, unissant la douleur physique de l’un avec la détresse mentale de l’autre.

The children of Fareden Tome 1 Broken Fate [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant