« Le bon trans » par Teddy Lupin

197 34 51
                                    

Salut, 

J'aurai aimé que ce chapitre soit écrit par une personne non-binaire. Or, le seul ami à qui j'ai demandé de le rédiger à ma place à dit que ce que j'avais à dire était très bien et que je m'en sortirai tout seul. -Entre nous, je pense qu'il était surtout paresseux, mais bon. Je me lance.-

Je ne suis pas non-binaire, malgré ce que les gens voudraient croire. 

Tout le monde me pose cette question et je crois bien que c'est le quotidien de tout les métamorphomages qui traînent dans les milieux LGBTQIA+. On imagine que comme j'ai la possibilité d'avoir un corps neutre, ça fait de moi une personne non-binaire... sauf que ça ne marche pas comme ça. On a pas besoin d'un corps neutre pour être non-binaire. Tout comme on a pas besoin d'un corps socialement féminin ou masculin pour être une femme ou un homme. 

Je vois des séries représenter des personnages non-binaires et je me rend presque toujours compte qu'il s'agit d'extraterrestres ou de robots... Parce que les aliens et robots auraient des corps naturellement "neutres". Sauf que les personnes non-binaires de la vraie vie ne peuvent pas avoir un corps naturellement "neutre". À moins d'être intersexes ou métamorphomages. Mais aucunes de ses deux conditions ne font de quelqu'un∙e une personne non-binaire.  

L'important, c'est dans la tête. Et moi, dans ma tête, je suis un mec. On pourrait débattre sur le fait que je sois cisgenre, c'est vrai. Quand je suis né on a dit à mes parents que j'étais un petit garçon mais si je l'avais voulu j'aurais put le changer. J'ai essayé d'ailleurs, si vous voulez tout savoir, mais ça faisait bizarre. 

Je suis pas sûre qu'iels ai envie de savoir, bébé.

Les métamorphomages qui ont essayé∙es comme moi se sentiront moins con∙nes. C'est pour la bonne cause, Vivi.

Bref. En revanche, je suis pan. Donc j'ai pas mal d'occasion de trainer avec des gens LGBTQIA+. Et en parlant avec elleux des problématiques de transphobie après ce que tu a dit, Joanne -si tu permet que je t'appelle Joanne. J'ai théorisé un truc :

J'ai commencé par penser qu'avec ma faculté de pouvoir me métamorphoser -et par extension "changer de sexe" sur demande-, j'étais ce qu'on pourrait appelé : "Le parfait non-binaire." C'est con, parce que je ne le suis même pas ! Mais je m'explique.


Les personnes non-binaires, quand on pense à elles sans rien y connaitre, doivent être androgyne, ne doivent pas pouvoir être physiquement catégorisé∙es ni dans la case des filles, ni dans celle des garçons... Et c'est quelque chose que je peux faire en temps que métamorphomage. Je peux être parfaitement androgyne, qu'on soit incapable de deviner mon genre d'assignation et qu'on s'adresse spontanément à moi en utilisant les pronoms "iel/ellui". Je peux. Mais ça ne fait pas de moi une personne non-binaire, je suis toujours un mec. Et ça ne veut pas dire que les personnes qui n'ont pas la possibilité de faire ça ne sont pas légitimes. 

C'est d'ailleurs courant dans toutes les discriminations : il existe une image du "bon trans", du "bon noir", du "bon gay"... Un stade où tu leurs ressemble assez pour être toléré∙e. 

Tu peux être racisé∙e et t'intégrer. Mais il ne faut pas que tu ai d'accent. Si tu es originaire d'un autre pays il ne faut pas que tu portes tes vêtements traditionnels ou que tu t'engages contre le racisme. /s

Tu peux être lesbienne et t'intégrer. Mais il ne faut pas que tu utilises le mot "lesbienne", que tu sois trop masculine. Pas de garçon manqué, pas de camioneuse. Juste des filles qui auront l'air hétéro, parce qu'il faut que tu puisse encore faire fantasmer les hommes pour être tolérées. /s

Tu peux être gay et t'intégrer. Mais il ne faut pas que tu parle de ta vie sexuelle, sinon c'est choquant. Ne parle pas non plus de ta vie romantique, remarque, le romantisme c'est pas un truc de mec... Reste seul pour toujours et n'en parle pas, c'est mieux. Il ne faut pas non plus que tu sois "une folle". /s

Enfin, tu peux être trans et t'intégrer. Tant que tu aura l'air cis. 

Il faudra que tu ai "transitionné complètement". C'est à dire fait toutes les opérations possibles. Il faudra aussi qu'on t'ai diagnostiqué de la dysphorie de genre. Que tu l'ai su dans ton enfance. Que tu n'ai que des relations hétérosexuelles. Que tu ne fasse rien qui rappelle ton genre assigné. Que tu ne sois pas non-binaire. /s 

Listes non-exhaustives. 

Et surtout tu ne dois pas accumuler plusieurs catégories : racisé∙e, gay et trans. Impossible !

Tout cela comme s'il n'y avait qu'un seul "défaut" toléré. Et le moins visible possible. Dépassant ce stade le seuil de tolérance sature et tu te trouve rejeté∙e. Tu n'es plus assez normal∙e pour être aimé∙e. Comme si à un certain stade tu arrêtais d'être un être humain. 


Pourquoi je te raconte tout ça, Joanne ? Parce que les TERFs ne sont pas contre toutes les personnes transgenres. Elles sont contre les "trans trender", celleux qui font ça pour être à la mode à cause de l'influence de la propagande LGBTQIA+ /s. Mais elles ne sont pas contre les "bon∙nes trans". Les "vrai∙es trans". 

Ces bon∙nes trans, sans vouloir leurs manquer de respect, n'existent quasiment pas. Iels représentent une minorité de personne qui serait légitime à porter l'étiquette de "personne transgenre". 

En réalité il n'y a pas à chercher qui sont les vrai∙es et les faux∙sses transgenres. Qu'est-ce que ça t'apporte ? Tu ne trouve pas ça ironique que j'entre dans la case du "vrai non-binaire" alors que je suis cis ?

La fausse tolérance qui est de tolérer les 1% qui rentre dans ta définition de la transidentité c'est juste de la transphobie. 

Et ça n'a l'air de rien mais c'est dangereux parce que ça veut dire que tu ne reconnaitra jamais des personnes qui ont pourtant besoin de cette reconnaissance. C'est à cause de ce genre d'idées qu'un ami à moi doit garder des seins pour toujours parce que son médecin ne veut pas lui faire d'opération s'il ne prends pas d'hormones. À cause de ses idées on complique les transitions médicales de certain∙es, on force les gens à continuer à rentrer dans une case qui ne leurs corresponds pas, on condamne à des violences les gens qui ne peuvent pas y entrer. 

Je ne veux pas faire de la peine aux personnes non-binaires qui liront ça, je voudrai qu'iels sachent que être non-binaire et heureux c'est possible. Alors je serai bref. 

Sache seulement que dans la communauté LGBTQIA+, le taux de dépression et de suicide est plus haut que la normale, et c'est pas par hasard. C'est à cause des LGBTphobies. J'ai vu des ami∙es et des petit∙es-ami∙es se tuer, et je sais que beaucoup se font tuer. Tu as l'impression de mener un combat noble mais sache que la transphobie tue. Tes propos tuent. 

N'oublie pas. 

Teddy Lupin


Rowling,Où les histoires vivent. Découvrez maintenant