6. Veyn et Rune

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A cette époque de l'année, le matin se déguisait avec les vêtements sombres de la nuit, seules quelques lueurs matinales peinaient à travers les nuages gris du ciel. Depuis les hauteurs d'Hortoison, le vent froid d'hiver soufflait de toutes ses forces sur les charpentes des maisons et des fenêtres, et les portes claquaient, comme les dents des morniens. Les arbres dénudés de leurs feuilles vacillaient, tandis que leurs branches menaçaient de craquer. Morniennes et morniens se frottaient les mains pour se réchauffer, ils cherchaient une auberge avec un agréable feu crépitant sous la musique réconfortante d'un barde.

- Au moins, cette année, il ne neige pas, déclara Veyn.

Rune ajustait sa capuche en fourrure et ses gants en cuir. Elle s'amusait à capturer l'air chaud qui sortait de sa bouche.

- Mais, il fait particulièrement froid, répondit-elle d'un air désintéressé.

- Hé Rune, tu te rappelles l'année passée quand on a fait un bonhomme de neige et que je t'ai poussée dedans ?

- J'ai été malade une semaine et j'ai eu de la fièvre, espèce de crétin.

Veyn ria.

- Ce n'est pas drôle, t'es le plus gros crétin de cette ville, crétin. Je vais t'appeler stupide crétin trop bête, pestiféra-t-elle en insistant longtemps sur la voyelle « o ».

- Moi, quand j'aurai ton âge, je ne serai pas aussi immature que toi.

Veyn était fier d'avoir retourné la répartie de Rune contre elle-même. Cette dernière empoigna un bâton en bois et s'en servit comme une épée pour frapper Veyn. Le garçon fit de même. Les faux jumeaux se livraient à une bagarre, ils passèrent par la rivière et se mouillèrent en se courant l'un après l'autre. Puis, ils jouèrent au chevalier et au maudit, Veyn jouait le maudit et Rune le chevalier. Lorsqu'au centre-ville Rune terrassa son frère en mimant une décapitation avec son bout de bois, personne ne s'offusqua, car même chez les enfants, l'innocence n'existait plus. Au contraire, un mendiant avait applaudi le spectacle.

Plus tard, alors qu'une averse débutait, les gamins couraient à la recherche d'un abri, emmitouflés dans des vêtements trempés. Veyn et Rune mourraient de froid. De la porte entrouverte d'une taverne émanait de la lumière et une douce chaleur, de loin ils entendaient le chant et le luth d'une barde. Attirés par la joie et la paix de l'endroit, les enfants entrèrent Au joyeux Gobgob. Ils s'installèrent à l'arrière de la salle sur un tabouret en bois, en face du comptoir. La barde jouait devant le feu de cheminée, à peu près à l'entrée de la taverne.

- Une bière, demanda Veyn.

- Moi aussi, réparti Rune.

Le tavernier ne posa pas de questions. Il se retourna et empoigna deux chopes qu'il remplit de bière par l'action d'un petit robinet qui était incrusté dans la face avant d'un tonneau. Il posa les choppes sur le comptoir, en direction des gamins.

- Un cornélius pour les deux bières.

- C'est moi qui offre, déclara Veyn en jetant un cornélius au tavernier.

Les faux jumeaux se regardèrent dans les yeux et firent teinter leur chope en fer puis, ils avalèrent une longue gorgée. Ayant la sensation d'une crasse désagréable dans la bouche, Veyn fouilla les parois de sa mâchoire à la recherche de l'objet indésirable. Il cracha une rognure d'ongle noire sur le comptoir. Le tavernier balaya la rognure du comptoir d'un revers de la main.

- Ce n'est pas mauvais pour la santé, t'en mourra pas petit, c'était un grain de houblon dit-il avec nonchalance.

- Ah d'accord, je vous crois, ça va alors m'sieur, répondit naïvement Veyn, sans même savoir ce qu'il avait sorti de sa bouche.

Veyn et la malédiction de Magnus : Le voyage des GardiensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant