Chapitre II : 3. Les enlèvements

14 2 2
                                    

Cinquante ans après la première apparition des Maudits aux frontières de l'Empire. Adémar Malemer approchait la soixantaine, vivait avec June et leur enfant unique Kadann à Morne.

Du temps où les défilés militaires remplissaient les rues, où les cors sonnaient la victoire et où les tambours battaient la mesure du triomphe, la cité forteresse de fer comptait un million d'habitants. Depuis qu'un long déclin avait plongé Morne dans la pauvreté et la famine, la cité ne comptait plus que vingt mille âmes, les derniers survivants de l'ancienne glorieuse et puissante Tragonie de Cornélius I, dit l'Invaincu.

Son fils Cornélius II, régnait depuis le château de marbre et de nacre, la plus grande tour de la forteresse qui siégeait à l'ouest de l'enceinte, au bord des Chutes d'Hortoison. Le lit de la rivière prenait sa source dans la forêt d'Imlandre et séparait la cité en deux puis, chutait de la falaise sur laquelle la cité en fer avait été édifiée, et finissait sa course dans la mer du Léviathan.

Ce dernier était considéré comme un dragon mythique qui hantait les pirates et les navires marchands à la recherche de trésors brillants et clinquants, la créature aquatique vivait dans les eaux de Lesnie un millénaire avant l'arrivée des premiers hommes et régnerait sur les océans un millénaire après leur disparition, disait-on chez les marins pour se faire peur. Or, le Léviathan, personne ne l'avait jamais vu si l'on ignorait les divagations de quelques fous et excentriques qui le décrivaient comme un dragon aquatique gigantesque aux écailles bleues et dorées.

Des centaines de tonnes de minerais de fer noir avaient été transportés des exploitations minières des Montagnes des Dents jusqu'à Morne, pour construire l'enceinte extérieure, ses murs épais et ses tours en piquets se refermaient sur la ville comme la mâchoire d'un tigre à dent de sabre. L'eau de la rivière d'Hortoison grignotait les édifices en fer, les murs noirs comme la nuit s'abîmaient et des planches de bois cloutées renforçaient quelques parties rouillées de l'enceinte.

La famille Malemer jouissait de quelques privilèges suite au prestige d'Adémar et de Godrick Sagacia, traités en héros, pour avoir été les premiers à prévenir de l'arrivée des Maudits. En récompense, ils reçurent un titre familial comme signe de distinction pour leur courage et leur détermination. Certains pensaient que cette intervention avait permis de sauver Morne de la destruction, et ils avaient raison.

Si toutefois le palefroi de la chance avait un jour sourit aux deux mineurs, la roue tourna et le destrier changea de cavalier, car la chance n'était point plus fidèle que Jason envers sa femme Medea qu'il quitta pour en épouser une autre.

Un soir très froid d'hiver, fouetté par le vent de fin d'année et plongé sous la neige blanche comme la lune qui scintillait dans le ciel, un gardien de Morne toqua à la porte de la maison de June et d'Adémar.

- Excusez-moi. Je me présente, Silif. Je suis un gardien de Ménéliel et je garde l'académie, là où Kadann, fils de June et d'Adémar, étudie en tant que pensionnaire auprès des prêtresses de la déesse.

Créé par Cornélius I lors de l'invasion des Maudits, les Gardiens étaient un ordre de guerriers sacrés liés par le serment d'or tatoué sur le cœur. Jusqu'à la mort, ils dédiaient leurs vies à la protection de l'église de Ménéliel, à la sécurité de ses prêtresses, mais surtout à l'éradication des Maudits.

Silif était vêtu de l'uniforme des gardiens, d'un pourpoint bleu ceinturé à la taille, d'une côte de maille rivetée et d'un tabard rouge au centre duquel était tissé un soleil jaune. L'homme était rasé de près et avait les cheveux bruns très courts coupés à ras du crâne, ses petits yeux noisette creusaient le sol pour fuir du regard ses interlocuteurs.

June s'avança vers le garde, croisa les bras et se fâcha.

- Je suis sa mère et mon mari, son père, est absent, sûrement en train de pochetronner à la taverne. Notre fils à encore causer des soucis ? Écoutez, il ne s'en sortira pas comme ça cette fois, ne suspendez pas sa formation, je vous en conjure !

Veyn et la malédiction de Magnus : Le voyage des GardiensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant