Chapitre I : 1. Le village de Bell

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La nuit où tout commença

La capitale de l'Empire, Morne, s'étendait à l'extrême partie occidentale de la Lesnie, à l'endroit où le soleil se couchait et où les chutes d'Hortoison brillaient de milles éclats en reflétant les lueurs orangées et rosées du grand astre disparaissant à l'horizon, sous la protection du blason impérial bleu et rouge, paré de fils d'or sur les contours et le soleil tissé en son milieu, symbole de Ménéliel ; plus tôt, l'hélianthe embrasé débutait sa course, à l'est au-dessus du village de Bell.

Le petit hameau, protégé par les versants occidentaux de la chaîne montagneuse des Dents, épaisses montagnes noires dentées qu'il fallait affronter durant sept jours et sept nuits avant d'espérer fouler les terres magiques, abritait une garnison de chevaliers de Tragon et servait de frontière aux Marches Centrales, la région des Sorciers. La nuit tombée, le château de marbre et de nacre de Cornélius s'illuminait sous la constellation des Yeux. Tandis que la Tour d'Ivoire de Magnus et des sorciers s'érigeait si haut qu'elle donnait l'impression de toucher la constellation de l'Ours, et d'enfoncer une épine blanche dans les cieux.

Adémar était si jeune garçon qu'il n'avait point connu les débuts de la Purge dix années naguère. Ses bras et ses épaules musclées portaient une pioche usée qui battait le minerai de fer du matin au soir. Fils de mineur, il emboitait à son tour les pas de son aîné, mort lors de l'explosion d'une poche de gaz, et ramenait quelques pièces en cuivre pour aider sa mère à servir d'autres plats tels que le gruau, le bouillon et le pain sec. Les cheveux du garçon étaient noirs comme la suie et les traits anguleux de son visage lui prêtait un air narquois de farfadet malgré que son sourire et ses yeux innocents invitaient à l'amitié.

Tous les matins, il sortait discrètement de son lit en paille sans réveiller ni sa mère ni sa petite sœur de trois ans, s'habillait avec une culotte longue et une chemise en lin et des sabots en cuir puis, avec son repas du midi sur les épaules, il partait avec les hommes du village dans la mine et ne revenait que lorsque le soleil se couchait.

En remontant à la surface, un homme du village posa sa main gauche sur le crâne du garçon. Sa lèvre supérieure nue le rajeunissait et lui donnait la vingtaine, mais son visage noirci par le gravier et alourdi par la fatigue lui en prêtait dix années de plus.

- Dis-moi pas que tu vas rester dans ce trou pourri toute ta vie, Adémar ? Qu'est-ce que tu veux faire plus tard, questionnait généreusement l'adulte en insistant avec légèreté, intrigué par les rêves du petit garçon.

- Pour le moment, je dois rester pour protéger ma maman et ma sœur, elles ont besoin de moi. Plus tard, je m'en irai par-delà les plaines et les forêts de l'ouest et je voyagerai jusqu'à Morne en suivant les Yeux, d'où je deviendrai sculpteur de marbre et je créerai des statues grandioses ! De mes mains - Adémar jetait un regard à ses mains abimées, contusionnées et griffées - je taillerai la plus grande statue de Ménéliel et elle sera si parfaite que le roi la voudra comme décoration dans la salle du trône, rêvait dur comme fer l'enfant, avec enthousiasme et sans hésitation, comme pourvu d'une confiance inébranlable pour le futur.

- Vous entendez ça, déclarait un autre homme qui menait la file de mineurs vers la surface.

- Non ? On est censé entendre quoi Godrick ? Ta femme dans les couches d'un chevalier, s'exclamait et rigolait un autre en tapant sur le bras de ses amis à sa gauche et à sa droite, qui riaient eux aussi de bon cœur.

- Justement ! On n'entend rien là-haut ! D'habitude, on entend toujours quelque chose, au moins les chevaliers qui font leurs entraînements ou la patrouille ?

Les mineurs se tournèrent les uns vers les autres et se regardèrent, surpris et parfois incrédules, c'était bien vrai que jamais en plusieurs années l'endroit n'avait été aussi silencieux, alors que les rayons du soleil perçaient l'entrée de la mine et éblouissait les travailleurs en les réchauffant du froid des souterrains.

Craignant que quelque chose ne soit arrivé, ce qui n'était pas impossible car les attaques de créatures sauvages continuaient encore malgré la chasse des inquisiteurs, les mineurs se hâtèrent vers la sortie et rejoignirent la surface pour découvrir l'origine du silence pesant de l'extérieur.

Veyn et la malédiction de Magnus : Le voyage des GardiensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant