chapitre 5

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Tim.

Il doit bien il y avoir d'autres souvenirs relatifs à lui, non ?

Le simple fait de penser à lui me fait enrager. Qu'est-ce qu'il prit de me laisser mener par le bout du nez, comme ça ? Depuis quand étais-je influencé ? Contrairement à ce que je pensais, c'était lui, le chef. Il me faisait croire que j'étais le plus fort afin de mieux m'avoir à sa botte.

Non. Je m'égare. Il faut que je me pose les bonnes questions. Mme Perret, elle, trouve toujours les bons mots pour me mettre sur la piste. Réfléchir seul est plus compliqué que je ne le croyais.

Je me remémore les différentes informations qui ont provoqué des déclics. Une idée traverse alors mon esprit. J'avais vingt ans dans mon premier souvenir. Seize dans le second. Mes souvenirs semblent remonter le temps. Peut-être que je dois chercher encore plus loin dans ma mémoire. Qu'ai-je bien pu faire durant cette période ? J'ai probablement dû rejoindre Tim. Embêter des nouveaux, telle la brute que je suis. Dire que je ne me souviens même pas du mal que j'ai fait. Qu'est-ce que je leur faisais d'ailleurs, exactement ?

Je tente de visualiser le contexte.

Je m'imagine saisir un petit garçon plus jeune que moi par le col, comme je l'avais fait avec Tim. Un gamin avec des étincelles dans les yeux. Des étincelles de peur.

Même en ayant globalement conscience de ce que j'ai pu faire dans le passé, je ne parviens pas à m'imaginer prendre plaisir à un telle chose.

Cette réflexion me semble d'ailleurs familière. Est-ce un indice ?

Je formule alors la question à voix haute.

- Est-ce que je trouvais vraiment ça amusant ?

Puis je répète, en tâchant cette fois-ci de mettre dans la tête du moi d'autrefois.

- Est-ce que j'y trouve du plaisir ?

La réponse me tombe dessus, évidente.

Ce n'est pas drôle.

Je jette un coup d'œil à Tim. Il est adossé contre un mur, dans la cour de récréation. Il est pratiquement transparent, tant il se fait discret, et pourtant on ne peut l'ignorer quand il s'adresse à nous. Il fait parti de ces faux élèves modèles. Ceux qui ne parlent pratiquement jamais, collectionnent les bonnes notes, mais qui cachent leur véritable visage.

- Vas-y, m'encourage t'il. C'était pas marrant, hier ?

Hier. Hier j'avais étranglé un gamin de sixième qui m'avait bousculé en sortant de l'école. Pourquoi ? Car il fallait que je prouve quelque chose. Je ne sais même pas quoi. Fallait-il que je me fasse une réputation ? Je ne sais même pas ce que je voulais faire croire aux autres. Tout ce dont j'ai conscience c'est que je veux impressionner Tim, lui qui passe pour une terreur aux yeux de ceux qui le connaissent.

- Si ! C'était trop drôle ! assuré-je. J'adore voir les petits gigoter quand on les attrape et qu'ils tentent de se défendre !

Ce n'est pas drôle du tout. Je déteste ça. Assez ironique pour une brute.

- Alors qu'est-ce que t'attends ?

- C'est bon, j'y vais.

Je m'approche d'un gamin errant tout seul dans la cour, semblant un peu perdu.

- Tu cherches quelque chose ?

Le môme tourne la tête vers moi puis écarquille les yeux. Zut. Il doit avoir entendu parler de moi.

Il tente de s'échapper en partant sur le côté mais j'allonge la jambe, lui faisant un croche-patte. Il s'écrase lamentablement contre le goudron.

- Bah alors, dis-je, prenant un air énervé. Tu pourrais répondre au moins, sale gosse.

Je fais mine de lever le pied pour le frapper et il lève ses avant-bras écorchés afin de se protéger.

- Arrête !

La petite fille qui vient de crier me regarde avec des yeux emplis de haine. Elle fait pourtant deux têtes de moins que moi, mais elle se tient droite, sans flancher face à mon imposante carrure.

- Tu fous quoi, gamine !?

Elle aide ma victime à se relever, m'ignorant royalement. Le garçon la remercie avant de partir en courant. Elle reporte alors son attention sur moi.

- Dis, tu vas arrêter d'embêter tout le monde ? Ils n'ont rien fait, pourquoi t'es méchant comme ça ?

Je sers les dents.

- Mais pour qui tu te prend !?

Je lui donne un coup un coup de pied dans le ventre, qui la propulse en arrière, avant de tourner les talons.

J'entends quelqu'un courir pour lui porter secours. Probablement une de ses amies, qui devant se tenir non loin, sans oser m'approcher.

Les nouveaux m'énervent. Ils se croient capables de tout, ils font les intéressants. Je veux tous les briser. Et même si je ne fais que les affaiblir, il y aura toujours quelqu'un pour finir le travail. Plus on sort du lot, plus on attire les prédateurs. Et une fois que l'on est une proie, ils finissent par nous dévorer.

Je m'avance vers Tim à l'instant où la sonnerie retentit. Ce dernier se redresse, passe à côté de moi et susurre, un sourire moqueur aux lèvres

- Une gamine qui te fait la morale ? Non mais franchement : t'es une brute ou pas ?

Fragiles Ailes de papillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant