chapitre 7

3 2 0
                                    

Je joue dans la cour de récréation. Je cours derrière d'autres enfants, âgés d'environ six ans. Ils tentent de m'échapper en rigolant. Une partie banale de loup. Comment pourrait-elle mal tourner ?

Dans la précipitation de la course poursuite, je ne prends pas garde à la petite fille qui se tient sur le côté et passe à côté d'elle, la bousculant.

Si je m'attendais à ça. Je l'ai pourtant à peine touchée mais elle s'écroule sur le sol. C'est alors que je remarque les nombreuses bandes de pansements autour de ses avants bras ainsi que les marques sur son visage. Zut. C'est Angéline.

La maitresse accourt après de la petite fille l'air grave. Elle l'aide à se redresser et saisit immédiatement son téléphone.

Qu'est-ce que j'ai fait ?

Je suis adossé contre le mur de l'école. À côté de moi se trouve une porte. Et derrière celle-ci, trois femmes. La maitresse, la mère d'Angéline et la mienne. Elles ne savent pas que je suis ici, et que j'écoute tout ce qu'elles disent.

Ce que j'ai fait est grave. Je le sais, même si je ne saisi pas bien pourquoi. J'ai cru comprendre que la réponse tenait en deux mots : enfant papillon. C'est une maladie qui rend la peau de certaines personnes aussi fragiles que les ailes d'un papillon. La moindre chute leur arrache la peau. Peau qui ne redeviendra jamais comme avant.

- On vous avait pourtant demandé d'entourer Angéline des élèves les plus calmes ! s'exclame la mère de la fille. Cette petite brute n'aurait jamais dû la percuter !

Brute ? Elle parle de moi ?

- Écoutez, je suis sincèrement désolée, répond l'institutrice. Les enfants jouaient tranquillement, je n'avais pas vu qu'Angéline se trouvait juste à côté...

- Vous n'êtes qu'une incompétente ! Quant à vous... (j'en déduis qu'elle s'adresse à ma mère cette fois-ci.) Vous feriez mieux d'éduquer un peu votre fils ! Il est bien trop turbulent ! Il aurait pu tuer ma fille ! Alors occupez-vous un peu de votre brute de gosse !

Elles restent encore plusieurs minutes à se disputer à mon propos, jusqu'à ce que la porte s'ouvre enfin et que ma mère en sorte. Elle s'aperçoit alors de ma présence et pose sur moi des yeux durs.

- Vient là Victor.

Je m'approche d'elle et nous nous mettons en route pour rentrer chez nous. Elle prend alors la parole.

- Victor.

- Oui maman ?

- Est-ce que tu pourrais être un peu sage ? Arrêter de te comporter comme une brute ?

J'ouvre alors les yeux.

Mme Perret se tient à côté de moi.

- Qu'est-ce que vous faîtes là ?

Elle hausse les épaules.

- Nous étions au téléphone et vous avez soudainement arrêté de parler, je suis juste venue vérifier que tout allait bien. Vous vous êtes souvenu de quelque chose, c'est ça ?

Je hoche la tête.

- J'ai trouvé l'origine des faits. Vous aviez raison. J'avais six ans quand on m'a traité de brute pour la première fois.

Je lui raconte brièvement le contenu de ma vision.

- Que s'est-il passé ensuite ? me demande-t-elle, une fois mon récit terminé.

Je fais un effort pour me rappeler. La réponse me vient bien plus facilement qu'auparavant.

- Ma mère a continué, pendant des années, à me comparer à une brute. J'en ai eu marre en je suis parti à mes dix-huit ans. Je ne lui ai plus jamais reparlé ensuite.

- Je vois.

Elle affiche un air désolé puis me fait un petit sourire. Encore un de ces sourire. J'ai l'impression que quelque chose ne joue pas dans son expression, de plus, encore une fois, elle a l'air épuisée.

J'ai une impression de déjà-vu.

- Excusez-moi une minute.

Je ferme les yeux et me concentre. Où ai-je déjà vu une expression similaire. Au fur et à mesure que je réfléchis, un visage se dessine dans mon esprit.

Il s'agit d'une petite fille, aux cheveux bruns retenus en queue de cheval. Elle porte des lunettes et son visage est légèrement écorché.

Angéline.

Fragiles Ailes de papillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant