Goodbye

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« Les gens vivent afin d'obtenir le salut pour eux-mêmes. »

Lorsque la vie eut quitté le corps d'Oda Sakunosuke, une sensation étrange s'empara du cœur du suicidaire. Dazai ne sut pas exactement ce dont il s'agissait, mais une part de lui-même lui murmurait que c'était de la peur. Il n'avait jamais eu peur. Pourtant, en ce jour si funeste, il avait été inquiet, submergé par l'angoisse et il s'était précipité pour aider son seul et unique ami dans le but de lui sauver la vie.

Trop tard.

Bien que les mots du défunt aient bousculé son propre esprit, Dazai savait désormais quoi faire. Oda avait toujours su le guider dans les moments obscures. De toutes évidences, Dazai faisait partie du monde des ombres, là où règnent la terreur et les ténèbres. Mais Oda, bien que vivant dans le même monde que lui, ne dégageait qu'une lumière douce et accueillante. Finalement, Dazai espérait que ce dernier l'ait rejoint et soit désormais en paix.

Les yeux sombres de Dazai étaient étrangement lumineux. Son meilleur ami venait de mourir mais quelque chose était sur le point de se mettre en marche. Il se refusait d'oublier ce moment et de faire comme si la vie devait reprendre son court. Il souhaitait toujours autant qu'elle s'achève et qu'il puisse lui aussi goûter à cette somptueuse lumière. Mais il n'était pas encore temps pour Dazai Osamu de rendre son dernier souffle.

Observant Oda endormit d'un sommeil éternel et angoissant, le plus jeune capitaine de la Mafia Portuaire se releva en entendant l'écho de la pièce répéter ses moindres faits et gestes. Le visage vide de toutes émotions, il se retourna pour observer son long manteau noir qu'il avait laissé tomber en accourant vers Odasaku quelques minutes plus tôt. L'idée qu'il eut en tête n'avait mis que quelques secondes avant d'arriver.

Dazai s'accroupit à nouveau, juste le temps de ramasser le bandage qui masquait autrefois son œil droit et le mit dans l'une de ses poches. D'une autre, il sortit une boite d'allumettes avant de s'avancer vers le vêtement que lui avait offert le parrain il y a des années de cela. Et alors que l'écho s'amusait à lui faire entendre chacun de ses pas, Dazai sortit une allumette de la boite et l'alluma avec raffinement et précision, hésitant quelques secondes avant de la jeter sur l'habit qu'il ne porterait plus jamais.

Le crépuscule était sublime. Pour la première fois de sa vie, Dazai prit réellement le temps de l'admirer. Il ne savait pas si cette sensation de chaleur venait du soleil sur sa peau ou si c'était dû aux flammes non loin de lui. De l'autre côté de la vitre, Yokohama semblait l'admirer également, comme si la ville entière voyait le grand Dazai Osamu changer. Il n'était pas sûr que ce soit le cas. Oda avait raison sur ce point : il ne faisait pas la différence entre le bien et le mal. Faire le mal, étais-ce si mal ? Et faire le bien, si bien ? Il n'en était pas certain. C'était l'une des rares choses qu'il ne savait pas. Néanmoins aujourd'hui, il se rendit compte qu'il était abominablement ignare et que ces incompréhensions étaient terrifiantes.

Il lança un dernier regard à Odasaku avant de quitter définitivement cet endroit. D'un pas lent mais déterminé, il se dirigea vers la Mafia, mais contrairement à d'habitude, Dazai ne prendrait pas le grand ascenseur en verre, il ne gravirait pas les centaines d'étages de ce building et il ne ferait pas son rapport au parrain. Au lieu d'aller voir son boss - et de lui arracher le cœur par la même occasion, il demeura au rez-de-chaussée où plus personne n'était présent. Il entra dans l'une des multiples pièces de cet étage et découvrit un bureau on ne peut plus simple, sans réelle décoration. Peut-être que plus personne ne venait ici. Mais c'était dans cette pièce que tout se finirait.

Il déposa délicatement son bandage sur le bureau en bois brut et s'empara d'un stylo et d'un post-it trainant non loin de là. « Mori », voici ce qu'il avait écrit.

Recueil d'OS SoukokuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant