Chapitre bonus premier : le groupe du bus.

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Il les observait.

Ils étaient un groupe de sept jeunes hommes.
Tous soudés, tous heureux et enthousiastes de leur futur périple en Italie. Ils avaient quitté leur pays, leur famille et leurs collègues. Ils s'étaient préparés pour passer un bon séjour entre amis.
Oui, ils s'étaient préparés.
Mais pas pour ce qui les attendait. Pas assez. 

Il continuait de les observer.
L'un d'entre eux allumait régulièrement son téléphone pour vérifier le trajet du bus. Ils venaient d'un pays slave. Leur nourriture était dans des sachets dont les écriteaux étaient danois. Tous avaient des iPhones dernier cri, une maîtrise parfaite de ceux-ci. Un autre regardait une série Netflix sous-titrée en anglais.
Forcément, ils parlaient bien anglais.

Mais lui, celui qui observe et écoute, il ne reconnaissait pas leur langue.
Il avait apprit le danois, le néerlandais, l'allemand et l'anglais. Mais leur langage ne s'en approchait que peu, pourtant était un mélange de tout. Leurs caractéristiques physiques et comportements sociologiques s'en éloignaient d'autant plus. Ensemble, ils formaient une belle équipe d'hommes triomphants. Ce n'étaient pas leur misogynie qui dérangeait leur observateur, la seule femme du groupe étant marginalisée et ne recevant pas le même traitement que le autres. Non, non. Ce qui le dérangeait, était cette constante fracture de paradigmes, entre leur apparence et leur identité. L'observateur ne pensait pas être une personne qui discrimine, il se pensait plutôt profondément déstabilisé par ses propres stéréotypes des pays nordiques. Il voyait en eux, une fraternité, une aisance et une chaleur qu'il n'osait pas imaginer chez des individus censés vivre dans des climats froids et des sociétés de richesse, d'innovation et de propreté maniaque.
Il se plaisait à regarder leurs manières, leur gentillesse des uns avec les autres. 

Et c'est ce plaisir qui le dérangeait.
Il ne voulait pas être observateur. Il souhaitait être acteur, être voyageur et ami de ce groupe de jeunes insouciants. Cela l'agaçait énormément de penser qu'une bande aussi chaleureuse et amicale, puisse avoir les mêmes valeurs que lui, puisqu'ils venaient et parlaient une langue du Nord. Il avait une obsession pour le Nord. L'esthétique nordique fut alors jusque maintenant la seule crainte qu'il y vouait. Le profil arien l'intimidait plus que tout. Trop grand, les yeux trop clairs, la peau trop blanche, les cheveux trop purs. Cet idéal dégage une aura de perfection malsaine. Or, ce groupe-ci n'était pas pur. Ils étaient nus pieds dans le bus, mangeaient goulûment et sans aucune pudeur, produits et alcool, dans des plastiques et emballages en masse. Ils se promenaient librement dans le bus, sans pour autant déranger les autres passagers, allaient chez l'un, chez l'autre, pour lui faire une petite tape, lui donner une boisson ou un quelque chose à manger.
Ils se regardaient avec malice, rigolaient et abordaient cet air de compréhension sans se dire mot.

C'était maintenant trop tard.
L'observateur était jaloux. Et la jalousie n'était pas une émotion qu'il maîtrisait correctement. Enfin, il ne maîtrisait vraiment aucune des émotions qui ornaient sa palette de sentiments. Mais celle-ci en particulier était compliquée à calmer. Si, si, si compliquée. Peut-être un peu trop.
L'observateur ne se rappelait jamais de rien lorsqu'il était en colère. Il ne se rappelait surtout de rien lorsqu'elle explosait. Tic tac tic tac. La bombe sonnait doucement, doucement. De plus en plus fort. Et elle allait exploser dans peu de temps. Il ne restait plus beaucoup de temps pour l'observateur. Il le savait, il le sentait.

Il devait agir pour aider ces amis qu'il n'a jamais eu.
Il devait agir vite.


Ce fut encore une fois trop tard.

Le bus s'en alla avec sept passagers de moins.

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