Chapitre 6 - Rose

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Quand je me réveille, la chambre est plongée dans le noir. La place qu'occupait Milos dans le lit est froide. Je ne sais pas quelle heure il est. Mais une chose est sûre : je suis seule dans cette chambre. En faisant le moins de bruit possible, je sors du lit pour me diriger vers la grande cuisine au rez-de-chaussée. Mes pieds nus frissonnent au contact du marbre. Toutes les lumières sont éteintes, il n'y a pas un bruit.

La lumière du frigo me permet de voir où se trouve l'eau. Je me sers un verre. Il fait affreusement chaud dans cette maison. Au moment où je commence à remonter, une faible lueur rouge attire mon attention. Le grand blond est là, sur la terrasse, à trois heures du matin, en train de fumer une cigarette. Après quelques secondes de réflexion, je décide d'ouvrir la porte-fenêtre. L'air extérieur est beaucoup plus frais. Je remplis mes poumons de cet air rafraîchissant, histoire de me donner un peu de courage.

Lentement, je m'installe avec lui au bord de la piscine, nos jambes dans l'eau. Il est torse nu, ne porte qu'un caleçon, et ne m'accorde aucun regard, alors que le mien ne fixe que lui. Là, maintenant, dans ce jardin à peine éclairé, il dégage quelque chose de différent. Il dégage un putain de truc vraiment différent.

— Pourquoi tu ne dors pas ?

Il ne répond pas à ma question. Il reste silencieux, les yeux perdus dans l'immensité qu'est le ciel. J'en viens même à me demander s'il m'a entendue. Je sais que oui.

— Milos ?

D'un geste rapide mais doux, il dirige mon menton vers le ciel. Les étoiles sont beaucoup plus visibles que chez moi. C'est magnifique. D'ici, ma constellation favorite est même visible : Pégase. C'est plus rare qu'on ne le pense.

Ma mère adorait me raconter des histoires sur les lignes imaginaires du ciel. Ce serait mentir de dire que je me souviens de ses histoires, en réalité, je n'en ai aucun souvenir. Seulement des flashs d'elle et moi, sur le toit de notre ancienne maison en Corse. Une larme coule le long de ma joue, les souvenirs de notre dernier été jouent en boucle dans ma tête.

J'essuie vite du revers de la main la goutte d'eau sur ma joue. Seulement une, voilà tout ce que je m'autorise ce soir, devant lui. Il a détourné le regard pour le poser sur moi, même sans voir, je le sentais. Comme une vive brûlure sur ma peau, une brûlure affreusement agréable. Nos cuisses se collent presque, ce qui ne me dérange pas, et lui non plus.

— Pourquoi toi, tu ne dors pas ?

Il vient enfin de me répondre, sa voix est claire, très réveillée, mais toujours aussi grave. J'ai horreur qu'on réponde à une question par une autre question. Mais je décide de ne pas en tenir compte pour ce soir, il a l'air trop calme, plus que d'habitude, il est hors de question que je le mette en rogne maintenant.

— J'avais chaud, et tu n'étais plus dans le lit.

— Ton réveil est en partie à cause de ma non-présence dans ce lit ?

Il a l'air plutôt surpris. Il ne se rend pas compte de la place qu'il prend dans une pièce. Pas dans le mauvais sens du terme, au contraire. C'est tellement... étrange...

— Oui, tu sais ? Ta présence, celle qui se fait ressentir quand tu entres ou sors d'une pièce.

— Comment ça ?

C'est difficile de mettre des mots sur les sentiments que je ressens. Mais il a l'air vraiment intéressé par mon ressenti, donc cette fois je lui fais le plaisir de répondre. Mais je me promets de ne pas lui en donner l'habitude.

— C'est plutôt difficile à expliquer. On dirait que, dès que tu entres dans une pièce, elle se charge en électricité, tout est prêt à exploser à n'importe quel moment, mais en même temps... Il y a comme une tension protectrice. Je ne sais pas si tu vois où je veux en venir ?

Ta part d'ombre | T.1 ( Réécriture )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant