Chapitre 74

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Pour atteindre la périphérie de la ville il leur avait fallu seulement quelques heures à partir de la tombée de la nuit. S'en était enfin terminé de cette traversée éprouvante au milieux des plaines désertiques. Là, face à eux se dressèrent de hauts murs, vieillis par le temps, envahis par la végétation. Il était impensable d'imaginer pouvoir franchir cet immense obstacle de béton en l'escaladant simplement. Ils durent le longer pour espérer rejoindre une entrée. En même temps que d'avancer, Shanna laissa sa main parcourir le béton, caressant le moindre crevasse, révélant la plus fine fissure. Ce mur la rendait nerveuse. Le concept lui déplaisait. Ils venaient à peine de s'enfuir de l'emprise d'une organisation suspecte et les revoilà déterminer à vouloir se renfermer dans une nouvelle prison. Quelle ironie ! Tâter cette muraille concrétiser cette idée, ce mauvais pressentiment qui lui nouait l'estomac. Elle avait beau vouloir l'ignorait à chaque pas son ventre se serrer un peu plus. Malheureusement lorsqu'ils trouvèrent une entrée ses craintes ne furent pas dissipées. Ils se stoppèrent net. Devant leurs yeux épuisés, un tunnel sombre se prolongeait de façon interminable à travers la muraille. La pâle lumière des astres suffisait à peine à éclairer l'entrée du passage. Le peu qu'ils purent voir ne faisait guère envie. La moisissure sur les murs et les immenses flacs d'eau qui recouvraient le sol terne confirmer que ce chemin était humide, loin, très loin d'être accueillant. Puis il y avait cette odeur. Un mélange de pourriture et de chair en putréfaction qui imprégnait les lieux. Ce parfum Shanna le connaissait, c'était le même que celui qui émanait des cadavres de Kylian, d'Atsuko et d'Eddy. La même effluve qui devait sûrement s'échapper du corps d'Aloïs à l'heure qu'il était. Puis elle aperçu cette même lueur de nostalgie dans le regard de Matt, lui aussi avait reconnu cette odeur putride. Un regard suffit à ce qu'ils se comprennent, nul besoin, nul envie d'en reparler, de revenir sur ces évènements passés.

A vrai dire Shanna avait espérer un autre accueil que celui ci pour son retour à la civilisation. D'ailleurs elle se questionnait déjà sur la présence de tels remparts. Ils n'étaient pas typiques des villes habituels. Du moins de ce qu'elle en savait. En plus il était complètement improbable d'ériger une ville perdue au beau milieu de plaines désertiques. Cette multitude de questions s'ajoutèrent à celles qui s'entassaient déjà dans son esprit.

Tellement obnubilée par ses réflexions et Matt trop préoccupé à tenter de discerner la moindre chose dans ce tunnel, ils ne les remarquèrent pas, mais eux plaçaient en hauteur ils les observaient attentivement. Ils virent ainsi Matt prendre l'initiative de s'avancer pour se faire rapidement engloutir dans l'ombre, suivi de près par Shanna qui d'une main sous le nez repousser au mieux ce parfum infâme.

Une fois les deux humains avalés par cette bouche béante qu'était ce passage miséreux. Les quatre corbeaux, oiseaux de mauvaises augures passaient inaperçus au sommet du mur, s'envolèrent de leur ailes noirs. Jetant de leur yeux vicieux un dernier regard vers eux. Fuyant cette ville maudite. Comme si ils savaient ce qui les attendaient. Comme si ils ne voulaient pas encore assister à l'un de ces affreux spectacles.

Une plume se détacha de l'un d'entre eux. Elle tomba doucement sur le sable, sa couleur noir profonde se détacha des grains d'or. Leur sort était scellé.

L'odeur, contrairement à se qu'elle avait pensé ne diminuée pas. En réalité elle semblait même s'accentuer plus ils s'engouffraient. La lumière, elle, en revanche diminuée grandement. Ils étaient presque complètement plongés dans le noir. Quelques pas plus tard Matt craqua une allumette pour enflammer un morceau de tissu, qu'il avait imbibé de tout l'alcool qui leur restait et autant dire qu'il n'en restait plus beaucoup. Malgré cela le drap pris feu et illumina la pièce d'une lumière rouge, projetant leur longue ombre menaçante sur les parois arrondies du passage. Leur torche improvisée leur permis de mieux voir dans quelle direction ils s'embarquaient, il aurait mieux fallu qu'ils restent plongés dans l'obscurité, ignorant vers quoi ils avançaient, au moins ils n'auraient pas eut à les apercevoir, ils ne les auraient pas attirer. Le mieux finalement aurait été qu'ils rebroussent chemin à toute allure et qu'ils abandonnent l'idée de pénétrer dans la citée, du moins par cette voie. Cependant ils étaient bien trop déterminés à retrouver leur ami, leurs compagnons, à tracer un gros trait sur toute cette histoire et recommencer à zéro, une nouvelle fois. Comme une rature noire sur quelques unes des pages blanches de l'histoire de leur vie.

On aurait pu penser que l'éclairage chaud qui leur était offert serait réconfortant, mais les flammes dansantes dévoilèrent certains détails peu engageants qu'il aurait mieux fallu ignorer. Comme ces carcasses de voitures qui s'amassaient le long des murs tel des cadavres piètrement entassés, dévorées par la rouille, certaines même démembrées de leur portières ou de leurs roues, les vitres brisées avec le verre aussi tranchant que de véritables dents acérées. Même les sièges étaient éventrés, le rembourrage s'échappant des profondes entailles qui les lasséraient.

Aussi grâce à cette vil lumière ils purent mettre une image sur les couinements et les frottements qui les poursuivaient depuis leur entrée. L'endroit regorgeait de rats. Des rats plus gros les uns que les autres, montrant leur petits yeux vicieux et leur museau biseauté avant de déguerpir à toute allure comme une seule et même nuée obscure. Ils ne leurs fallaient qu'un rien de temps pour disparaître plus profondément dans les tréfonds du souterrain. Souterrain qui semblait s'enfoncer toujours plus dans les abîmes. Au cours de leur avancée le passage se transformait. De nouveaux couloirs apparurent mais à chaque carrefour ils gardaient la même direction. Toujours tout droit pour être sur de ne pas se perdre. Cette multitudes de galeries souterraines qui se croisaient, se rejoignaient pour se divisaient un peu plus loin, formé un véritable dédale. Un labyrinthe humide, sombre et poussiéreux, un véritable paradis à la prolifération de ces bêtes repoussantes.

Cependant la présence des rats ne dérangeait pas plus Shanna que Matt, finalement ce n'était que des petits rongeurs pas si petits. Le plus dérangeant, le plus glaçant était ces grognements, ces râles qui se faisait de plus en plus fort à mesure qu'ils s'enfonçaient. Malgré ce que Matt pouvait dire pour les rassurer, il ne s'agissait pas de rats, ni d'aucune autre sorte d'animal, c'était impossible. Ces cris étaient bien trop puissants pour être ceux d'un animal mais bien trop indistincts et monstrueux pour être ceux d'un homme. Des grondements émanant d'une chose à l'article de la mort.

Comment des sons aussi terrifiant pouvaient ils provenir de la bouche d'un être vivant ? Tout simplement car il ne sortait pas de la bouche de l'un d'entre eux. Sortir est un mot trop faible. Ces hurlements arrachaient littéralement la gorge de cette chose à chaque lamentation, lui brisant les cordes vocales à chaque nouvelle complainte. Ces bruits inhumains les firent frissonner plus d'une fois et leur sang glacé ne les empêcha pas pour autant de continuer dans leur direction qui les menait pourtant tout droit à leur perte.

*

Sa gorge lui démangeait comme d'habitude,mais même ses râles n'y changer rien. Toutefois lorsqu'il grognait, qu'il raclait sa trachée à s'en faire cracher du sang, il lui semblait que ça le soulagé. Il se força à graillonner pour recracher ce mal qui le rongeait mais il ne fit que vomir une fois supplémentaire un filet de salive terriblement rougeâtre. C'est à ce moment là que ses yeux empreint à la folie se détournaient du sol irrésistiblement attirer par. cette lueur, si belle, si fascinante, si attrayante. Il clopina vers elle, les bras ballants si bien que ses mains sans ongles frottaient le sol. Tapit dans l'ombre, le noir offrait à sa démarche bancale, à ses chevilles tordues et à sa peau pelée une couverture parfaite.

Il fut rejoint dans sa pénible avancée, de nouveaux grognements étouffés mêlés à ses propres râles. Normal, les autres aussi étaient là, car comme lui ils trouvaient que la lueur était si belle ! Elle dansait, dansait au bout de ce bâton. Une valse solitaire auquel ils voulaient à tout prix prendre part. Juste une dernière danse.

Eternity begins now  Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant