Chapitre 3

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Le lendemain, je suis réveillé par Maria qui me secoue l'épaule. Mes yeux me piquent et le soleil m'aveugle, mais je remarque quand même l'air défait de Maria. Je l'interroge du regard :

« On aurait pas dû coucher ensemble, Nathan. Ça peut nous attirer des ennuis, et... »


Pendant qu'elle parle, je descend lentement la bretelle du soutien — gorge noir qu'elle porte et fais courir mes lèvres sur sa nuque, son épaule dénudée. Sa voix se trouble et vexée, elle se dégage d'un geste avant de se lever. Elle s'habille rapidement et me regarde :

« Nathan, dis moi la vérité... Où as — tu appris toutes... Tout ce que tu sais ? »


Elle s'est arrêtée avant de me dire « toutes les choses que tu m'as faite cette nuit », je le vois à son visage écarlate. Je désigne la rue d'un signe de tête et elle s'indigne :

« Tu es sorti pour aller voir des filles ?! »


Je ne suis absolument pas désolé et hausse les épaules avant de m'habiller à mon tour. Elle soupire, et son souffle fais voler la mèche de cheveux qu'elle a devant les yeux.


Nous sortons de la salle l'un après l'autre à quelques minutes d'intervalle. Maria peut perdre son boulot si jamais l'on apprend qu'elle a couché avec un patient.


Si elle part, je ne la vois plus.


Je passe le reste de la journée accoudé à ma fenêtre, pour observer cet extérieur qui m'est interdit, dans lequel je ne suis pas à ma place.




Il fait presque nuit et le soleil est en train de se coucher. Mon téléphone posé sur la table de chevet sonne plusieurs fois avant que je sorte de mes pensées. Maria, dont j'ai récupéré le numéro la veille, m'envoie un message :

« Salut Nathan ! Ça te dis si je t'emmène manger ce soir ? »

Elle a mis un cœur derrière son point d'interrogation. Je jette mon téléphone sur mon lit en soupirant. Je ne lui réponds pas. L'endroit où j'ai l'intention de passer la nuit est bien plus intéressant que le petit resto chic où elle veut probablement manger.


Je retourne regarder à la fenêtre. Le soleil est en train de se coucher, plusieurs patients marchent encore dans le jardin. C'est une soirée normale.


Mon regard est attiré par une forme juste en bas. C'est une fille avec de longs cheveux bruns. Je le vois de la où je suis, elle à une tresse et une robe blanche. Elle regarde droit devant elle, vers le soleil qui disparaît peu à peu. Le son de sa voix me parvient quand j'entrouvre le battant de la fenêtre. Je pense d'abord qu'elle parle seule — elle n'est probablement pas dans cet hôpital pour rien — avant de comprendre qu'elle chante.

Le plus silencieusement possible, je fais passer ma tête par l'ouverture dans le mur. Je veux graver dans ma mémoire chaque détail de cette fille, la manière dont sa voix devient rauque à certains moments de sa chanson tout en restant toujours aussi belle, ses cheveux qui volent autour d'elle, sa longue robe qui épouse chacune de ses courbes.


Ma fenêtre qui grince attire son attention et elle se tait, lève la tête. Ses yeux rencontrent les miens, et nous restons figés tous les deux, pour nous regarder. Elle a des yeux bleu clair qui me fixent craintivement.


Pendant quelques secondes, quelques minutes je ne peux plus respirer, plus bouger, je suis incapable de penser correctement, je peux seulement la regarder. Ses yeux m'attirent ; et je meurs d'envie de savoir quelles émotions s'y dissimulent.


Mais elle finit par craquer et baisser les yeux, avant de s'enfuir en courant. Je suis sa silhouette des yeux, ses pieds nus qui claquent sur la terre sèche et sa robe blanche soulevée par le vent de sa course. Elle disparaît derrière un détour du chemin. Elle disparaît comme si c'était un courant d'air. Elle disparaît comme si elle n'avait jamais existé.




Le nez enfoncé dans le col de mon blouson, la nuit tombant autour de moi, je marche. Je suis sorti de l'hôpital il y a quelques minutes pour rejoindre des amis dehors.


Quoique, le mot « ami » est un peu fort pour désigner les individus qui m'entourent...


Je traverse plusieurs rues et passe sous une arche de pierre afin d'atteindre une cour. Elle est sale et peuplée de rats. C'est ici que je pourrais habiter si je n'étais pas à l'hôpital.


Au fur et à mesure que j'avance, des ombres sortent des rues adjacentes pour me dévisager.


Je rentre dans un appartement délabré. La musique y est forte et l'air sent la fumée de cigarette. Je passe entre des couples qui s'embrassent, des filles ivres et des garçons défoncés. Tous ont les yeux rouges et leur haleine pue l'alcool. Je finis par m'asseoir sur un canapé. Quelques minutes plus tard, un des fumeurs me rejoint. Je le connais de vue.

« Salut, Nathan. Tu veux la même quantité que la dernière fois ? »

J'acquiesce, et il me donne un petit sachet en échange de mes économies.

Nous nous relevons et il s'évapore dans la foule.


Quand je traverse à nouveau l'appartement miteux, plusieurs filles viennent se coller à moi. Je les ignore et continue mon chemin pour cette fois.


Je suis venu ici tellement souvent que je peux mettre un nom sur chacun des visages féminins qui m'entourent : Julie, une prostituée de vingt ans, sa sœur Léa qui l'aide à payer son appartement, et Sarah, une femme déjà mariée qui veut oublier que son mari est toujours ailleurs.


Mais ce soir, je n'irais dans la chambre d'aucune. Mon esprit est occupé par un fantôme aux yeux bleus.

Un Amour fou.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant