Prologue : Vengeance et pouvoir.

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L'endroit était sombre, aucune décoration ne venant égayer les murs de béton gris, seul un haut plafonnier éclairait d'une lumière blafarde la table étrange trônant au centre de la pièce. Le plateau de verre reposait sur un unique pied central en pierre sculptée. La sculpture représentait une sorte d'arbre mort, du creux duquel surgissait une tête presque humaine, presque parce que le visage comportait neuf yeux. Entre les dents trop longues qui dépassaient de la bouche se tenait un rouleau scellé. Deux mains humaines, au pied de l'arbre, se tendaient vers le ciel, les doigts dépliés, en une prière silencieuse à une divinité quelconque.

Douze chaises de bois brut entouraient la grande table étrange, chacune d'entre elles occupée par une personne différente. Leur seul point commun : une chevalière en argent aux armoiries noires sur fond rouge qu'elles portaient à l'annulaire droit. Se démarquant clairement du reste du mobilier, un grand fauteuil tendu de tissu rouge trônait devant la table, face à la porte. Les bords dorés du siège étaient finement sculptés, des représentations de démons courant sur les accoudoirs et le dossier, jusque sur le haut du siège. Un A entouré d'arabesques, moulé dans les dorures d'un demi-cercle servait d'appui-tête.

Assis, tel un roi sur son trône, l'homme écoutait d'une oreille attentive les rapports de ses subordonnés sur les activités de son "entreprise". Fils d'une prostituée, il avait grandi dans le ghetto, apprenant très vite à se débrouiller par lui-même pour survivre. Sa mère était bien trop occupée à se faire sauter et à se shooter pour se soucier de lui. A dix ans, il dealait; à quatorze, il tuait; à seize, il apprenait, par pur hasard, le nom de son père.

Arrêté par la police suite à une bagarre ayant entraîné la mort "accidentelle" d'un fils à papa quelconque, il avait subi les interrogatoires et les prélèvements divers et variés d'usage pour déterminer s'il était impliqué d'une façon ou d'une autre dans le décès prématuré du jeune homme de riche extraction. Lors d'un transfert entre la salle d'interrogatoire et sa cellule temporaire, il avait aperçu un homme d'un certain âge.

Cet homme l'avait marqué pour deux choses. La première : son allure. Vêtu d'un costume sobre, mais classieux, tout chez cet homme respirait la puissance et l'argent. La seconde : l'étrange ressemblance entre eux. En tendant l'oreille, il avait appris son nom, puis plus tard après quelques recherches, leur lien biologique. Cet homme... était son père ! Il n'avait alors voulu qu'une seule chose : le rencontrer et qu'il le reconnaisse.

Après quelques recherches et de nombreux essais infructueux, il s'était enfin retrouvé face à face avec lui. Il n'était pas naïf, il savait que dans la vraie vie cela ne se passait pas comme dans les films. Pourtant, quand son géniteur l'avait regardé de haut et froidement rabroué, il n'avait pu s'empêcher d'être déçu et blessé. Ce fut ce jour là qu'il prit la décision de devenir si riche et si puissant que celui-ci se prosternerait à ses pieds.

Connaissant bien le milieu, il ne lui avait pas fallu longtemps pour monter son "entreprise" et la rendre florissante. Il était intelligent, débrouillard et avait un excellent sens de la négociation. A vingt ans, il était à la tête d'une organisation générant des revenus plus que confortables pour lui. Il avait pu s'acheter la maison de ses rêves et s'y installer commodément. Au fil des ans, il avait diversifié ses activités, s'entourant de personnes de confiance sur qui se reposer pour gérer les différentes branches de sa société lucrative, mais pas toujours du bon côté de la barrière.

Il était devenu riche et puissant, respectable grâce à son argent, mais cela ne lui avait pas suffit. Son père était mort sans jamais l'avoir reconnu, malgré ses diverses tentatives. Le fils légitime, son demi-frère, avait repris les rênes de l'entreprise paternelle et lui, avait encore une fois été écarté. Il avait bien tenté des négociations à l'amiable avec son demi-frère, mais en vain. Bien qu'au jour d'aujourd'hui, il soit le chef suprême de sa propre société, respecté et craint par ses pairs, cela ne lui suffisait toujours pas. Cela ne lui avait jamais suffi.

Taka. (Par Yzanmyo et LiliCatAll)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant