❄ - Chapitre 19 - ❄

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19 décembre 2021 – Bordeaux – Regina,

Les mots me manquent. Mes nombreuses pensées restent coincées au fond de ma gorge. Elles m'engloutissent. Rien ne sort de ma bouche. Aucune remarque sarcastique, méchante ou moqueuse. Rien. Rien à part un long soupir. Un lourd silence s'impose entre nous. Il me pèse mais je suis incapable de le briser. D'habitude, mes répliques fusent du tac au tac. Pas avec elle. Plus maintenant. Son annonce me laisse sans voix. Je ne sais pas comment réagir. Qu'est-ce que "quoi qu'il se passe entre nous, ça doit s'arrêter" signifie ?

— Vous avez l'air occupée ! renchérit Emma avant que je réussisse à formuler une réponse à sa... décision. L'emballage des cadeaux, c'est... Est-ce que vous en avez prévu un pour moi ?

— Non.

Oui. Sauf que je ne suis plus certaine de devoir le lui offrir.

— Pourquoi je me donnerais ce mal ? ajouté-je pour justifier mon mensonge. Vous risqueriez de le trouver "basique, sans saveur et sans grand intérêt".

Malgré mes efforts pour masquer ma rancune, elle transparaît à travers mon ton amer. Heureusement, je ne suis pas la seule à faiblir. Emma baisse les yeux un instant. Lorsqu'elle les replonge dans les miens, un voile de désarroi les recouvre. Elle déglutit. Je chasse la pointe de culpabilité qui tente de me consumer. Et puis quoi encore ! Ma flèche a touché sa cible en plein dans le mille ; pourquoi le regretter ? Je ferais mieux de m'en féliciter. Oui ! Lui balancer à nouveau cette phrase à la figure était une excellente idée.

— Je m'excuse pour mes paroles au Granny's, ce n'était pas... Enfin... Vous n'êtes pas...

— Ne vous fatiguez pas, Mademoiselle Swan. J'ai compris.

Un léger rictus étire ses lèvres. Un rictus mi-amusé mi-attristé.

— Retour au "mademoiselle Swan" et au vouvoiement ? J'ai une soudaine impression de déjà-vu, évoque-t-elle en référence à nos premiers échanges.

Je hausse les épaules comme si ce changement n'avait pas d'importance, comme s'il était anodin. C'est loin d'être le cas.

— Il me fallait un moyen de mettre de la distance entre nous.

Emma fronce les sourcils. Je me mords la langue et m'insulte mentalement. La prochaine fois, apprends à te taire, me réprimande ma conscience.

— Mettre de la distance ? répète la blonde, plus insistante que jamais. Pour quelle raison ?

Parce que je commence à avoir peur de ce que tu pourrais me faire ressentir, Emma.

— Parce que depuis le soir de votre anniversaire, je n'ai plus besoin de jouer la carte de la séduction avec vous. J'ai eu ce que je voulais de votre part.

À la seconde où ces mots m'échappent, je me maudis de les avoir prononcés. Mon départ au milieu de la nuit ne lui a pas plu. Je sais que mon comportement l'a blessé pourtant je n'ai pas pu m'empêcher de relancer le sujet. Mes poumons se compriment. Je me déteste. Je me déteste pour sa mâchoire qui se décompose, pour son visage qui se fissure, pour son sourire qui s'évanouit. Je me déteste pour mon assurance qui se volatilise, mon charisme qui s'envole, mon insensibilité qui flanche. Je me déteste pour ses traits qui se crispent et pour mon cœur qui se brise. Je me déteste pour l'imbécile que je suis.

— C'est sûr, j'étais plus utile quand vous vous serviez de moi. Vous devez vous ennuyer, maintenant. Oh mais non, suis-je bête ! Vous avez déjà dû trouver un nouveau jouet pour vous occuper à l'heure qu'il est. Venant de vous, je n'en serais pas étonnée. Exploiter et manipuler les gens, c'est votre spécialité, non ?

Opération "attraction glaciale" [SWANQUEEN]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant