Chapitre 2

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Les jours qui suivent l'altercation avec le Loup, mon humeur se fait mitigée. Dans ma tête, je me repasse en boucle les évènements de la veille en essayant d'être la plus objective possible.

Est-ce que ce duel a finalement été une bonne ou une mauvaise chose ? Je n'arrive pas à trancher, car en admettant tout à fait que les conséquences aient pu être désastreuses et dangereuses, je ne peux oublier à quel point j'en ai vibré comme cela ne m'était encore jamais arrivé.

~

C'est le vendredi de cette même semaine que de nouveaux évènements décident de perturber mon quotidien d'étudiante.

En sortant de mon dernier cours, je découvre avec surprise Tayric, installé nonchalamment sur un banc du parc longeant l'université. Ravie, je prends un court instant pour le regarder. Aujourd'hui, il a noué ses dreads en cascade vers l'arrière et porte un débardeur rouge laissant voir une musculature sèche et élancée. Il a mis son jean sarouel que j'aime tant et porte presque tous ses colliers de bois. Malgré les années, mon cœur se serre toujours aussi fort dès que je le vois.

Lui aussi vient de m'apercevoir et normalement, il m'aurait fait de grands gestes stupides pour m'embarrasser, mais pas cette fois. Il se lève rapidement et me tend la main, signe qui m'intime à le rejoindre vite. Je me mets carrément à trottiner pour la saisir et il m'emmène avec lui jusqu'au métro. Telle une enfant inquiète, je marche le nez en l'air tout en analysant sa physionomie fermée.

Ce n'est qu'une fois dans le wagon, agrippé l'un à l'autre, qu'il me murmure à l'oreille.

– On nous fait nous rassembler à la planque.

Ma gorge s'assèche.

– Même moi ?

– Ils ont dit tout le monde, se désole-t-il.

Nos regards inquiets se cherchent avidement, je sens mon pouls accélérer.

Et si c'était à cause de moi ? Et si c'était le Loup Blanc qui avait cafté ?

– Tayric, fais-je dans un couinement, prête à lui avouer la vérité, mais il secoue la tête en fouillant sa poche de jean.

– Ne t'en fais pas, bébé, c'est certainement une annonce sans importance. Allez, mets-le, vite.

Ses doigts me glissent un anneau froid que je me dépêche d'enfiler à l'annulaire. Nos deux mains portant les alliances s'entrelacent et il les relève contre son cœur tout en embrassant mon front.

Voilà maintenant plusieurs années que Tayric nous a mariés aux yeux des Mexicains. Exactement comme les sweats larges à capuche, cet anneau est un artifice supplémentaire pour repousser les membres du gang, car malheur à celui qui approcherait la femme d'un autre.

Serrée fort contre lui, j'ai perdu la force de lui parler du Loup.

Une infinité d'arrêts plus loin, nous rejoignons le coin le plus malfamé de la basse-ville. Autour de nous, les immeubles sont en ruine et les squats s'affichent fièrement à chaque coin de rue. Des carcasses de voitures calcinées jonchent les trottoirs tandis que des conducteurs de scooter sans casque nous doublent à toute allure. Cela fait si longtemps que je n'avais plus mis les pieds ici...

À l'approche de la planque, Ty et moi commençons à remarquer plusieurs groupes éparpillés ainsi que des gamins seuls assis en hauteur sur les murs. Ce sont les guetteurs. Avec habitude, Tayric arbore son sourire le plus radieux et les salue un à un, tous le hèlent amicalement.

Nous passons sans embuche toutes les sections de vérifications jusqu'à atteindre la fameuse « planque ».

La planque est le nom de code donné au principal squat des Mexicains. C'est un ancien immeuble de logements sociaux qui a été déserté puis récupéré par le gang. Haut de quatre étages, la moindre parcelle de façade a été couverte de tags. Certaines pièces sont si larges et si belles que je ne peux m'empêcher de ralentir le pas pour les contempler.

Le Loup BlancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant