Chapitre 3

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La nuit commence à peine à tomber quand je passe silencieusement le portail dégondé de l'ancienne maison de retraite. Exactement comme dans un film postapocalyptique, la végétation a repris ses droits et tente d'engloutir les murs de crépi sales aux fenêtres brisées. Le long de l'allée du jardin en friche, je remarque au sol beaucoup de mini-billes d'Airsoft et de Paintball avec leurs emballages éventrés, preuve que d'autres passionnés apprécient l'endroit.

Comme toujours, j'inspecte les lieux pour me rassurer, ils ont l'air déserts. Je rentre alors dans l'ancien hall d'entrée puis navigue dans cet endroit à la fois lugubre et chargé d'histoire. La plupart des murs sont couverts de graffitis, j'ai du mal à trouver la fameuse paroi en question.

Soudain, des crissements de gravats me font tendre l'oreille. Un coup d'œil par une fenêtre explosée me confirme l'identité de l'arrivant. Revancharde, je me cache derrière les doubles portes du premier étage donnant sur l'escalier et j'attends qu'il monte. Ses pas frottent la poussière sur les marches, il est tout proche. Quand enfin il amorce l'escalier suivant, je lui agrippe le sac à dos. Il crie de surprise et bascule sur les fesses en tentant de faire volte-face, déclenchant mon rire mauvais.

– Bordel de merde, lâche-t-il dans un souffle.

– Moi qui croyais que les Loups avaient des couilles...

– On en a, mais là tout de suite j'te garantis pas la taille.

Sa blague me fait rire, un rire sincère. Je lui tends la main, il la regarde avec des yeux brillants avant de se laisser hisser. Il me surplombe maintenant de plus d'une tête, m'obligeant à relever le nez. Si Tayric mesure un mètre quatre-vingt-dix, lui doit frôler les quatre-vingt-cinq.

– T'es venue, petite Mexicaine, me sourit-il à travers la faible luminosité.

Sa voix paraît de plus en plus douce, presque mélodieuse.

– Tu te réjouiras moins quand on se fera enrouler dans une bâche et enterrer dans un terrain vague.

C'est lui qui éclate de rire cette fois. Il est proche, trop proche, mon stupide cœur commence à s'emballer alors je lui pousse l'épaule pour accéder aux marches.

– Allons voir ta fameuse paroi. C'est au deuxième ?

– Quatrième.

J'avale rapidement les étages en faisant tinter mes sprays dans le fond de mon sac à dos. Le loup est juste derrière moi, il me guide dans les méandres des couloirs jusqu'à finalement nous emmener dans ce qui ressemble à un réfectoire. J'y découvre un large mur, presque vide, dont les vieux cadres ont été récemment arrachés. C'est vrai qu'il est intéressant, presque poétique, troué en son milieu par une fenêtre donnant sur la végétation. Ce carré vert est déjà de l'art à lui seul.

– Il faut absolument englober la fenêtre dans le graff ! lui dis-je, inspirée.

– C'est exactement ce que je m'étais dit.

Nous nous sourions dans la lumière orange du crépuscule et revoilà que je frémis. Sous les pointes de ses mèches noires comme l'encre, ses yeux clairs me détaillent intensément.

– Je m'appelle Andrew, m'avoue-t-il tout à coup.

Non !

Pourquoi fait-il ça ? Il ne faut pas que je sache son prénom. C'est mal, c'est dangereux. Mon corps s'agite pour se défaire de cette information, je renifle fort et m'accroupis au sol pour fouiller mon sac, prétendant n'avoir rien entendu. Malheureusement, j'ai peur que mes joues écarlates me trahissent.

Le Loup BlancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant