Cette journée de fac me semble interminable. Planquée sous mes airs maussades, j'erre de cours en cours, d'amphi en amphi, sans jamais parler à personne.
Si je n'ai aucun ami dans cette partie huppée de la ville c'est entièrement ma faute. Incapable de baisser ma garde sur commande, ici aussi je me rends malgré moi invisible, sans compter que mon look et mon attitude craignos repoussent au loin toute forme de sympathie...
Ce n'est finalement pas plus mal. Les rencontres et les activités sociales m'éloigneraient de mon principal but : obtenir mon diplôme puis un très bon salaire. Je le dois bien à Tayric, qui enchaîne les boulots nuit et jour afin que je ne finisse « pas comme lui... » S'il se doutait à quel point je rêverais seulement de lui arriver à la cheville, lui si bienveillant et si honnête, toujours prêt à donner aux autres sans chercher à recevoir.
Dans un autre univers où l'apparence ne compterait pas, ce rasta blanc serait respecté de tous.
~
La sonnerie marque la fin de la journée. Je peux enfin quitter cette faculté, si blanche et propre qu'elle m'angoisse.
Mon métro déborde de gens, au point qu'il me faut prendre le suivant. Entassée dans la foule, j'observe un à un les arrêts défiler, un à un les jolis costumes et les beaux buildings vitrés disparaître. Les gens qui montent n'ont désormais plus la même tête, plus la même peau, et j'ai presque honte d'avoir côtoyé la richesse toute une journée tandis que la majorité de ces gens ne pourront jamais l'envisager.
Au fil des minutes, le métro s'enfonce dans un paysage de plus en plus glauque et fatalement, mon arrêt se trouve être le terminus de cette dégringolade sociale.
Dans le tunnel sombre, je remarque qu'un type louche me suit et se rapproche, l'air de rien. Ça ne m'étonne même plus, c'est mon lot quotidien avec ce moyen de transport. Au moment où il s'apprête à m'adresser la parole, je relève, au travers de ma capuche, le plus dangereux de mes regards.
– Tu te trompes de nana à emmerder, connard, recule ou je te plante mon cran d'arrêt dans la fémorale et je te regarde te vider de ton sang.
Sa posture se fige avant qu'il ne s'éloigne rapidement, moi je desserre les doigts du couteau caché dans la poche de mon sweat.
~
L'émission stupide que je regardais d'un œil distrait se termine, je la coupe depuis le clic-clac du bout de la télécommande puis jette un regard à l'horloge murale. 21 heures, toujours pas de Tayric. J'en déduis qu'il va enchaîner les heures au travail, il ne reviendra pas manger. Un instant, j'envisage les révisions mais mon regard se pose trop vite sur le mini balconnet du studio, là où se trouve le coffre rempli de notre matériel de graff.
Car Tayric et moi partageons une passion commune : graffer. C'est lui qui m'a toute jeune initiée à cet art urbain et depuis, c'est devenu une véritable drogue pour moi. D'ailleurs, ma dernière session remonte à plusieurs mois et le manque se fait sentir. Dernièrement, je n'arrête pas de penser à ce mur de briques fabuleux que l'on voit depuis l'autoroute.
Je pourrais peut-être...
Non-non-non, Angie ! Ty te tuerait s'il apprenait que tu taggues seule !
Oui, mais l'usine vient à peine d'être désertée, ce mur ne restera pas vierge très longtemps...
Un véritable combat fait rage dans ma tête tandis que je me ronge un ongle, les yeux rivés sur le balcon.
Ty va faire la fermeture donc je serai rentrée bien avant lui. Il n'en saura jamais rien...
Elle est sur la frontière, cette usine ! Il pourrait y avoir des Loups !

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Le Loup Blanc
FanfictionLa rue. Des gangs. Un amour impossible. Angélique gravite dans un milieu dangereux, perdu dans les tréfonds obscurs de la ville, régi par le réseau des Mexicains. Elle aime taguer, s'enfuir et vivre à mille à l'heure, mais que se passerait-il si, un...