4. Photos.

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"La seule chose nécessaire pour le triomphe du mal est que les hommes de bien ne fassent rien."

Edmund Burke.

Amanda


Pas besoin de me faire la morale, je sais.

Je n'aurais pas dû lui voler son portefeuille comme une gamine de seize ans. Mais sur le coup, je n'avais trouvé que ça pour me venger d'être revenu dans ma vie. C'est mal, très mal. Surtout pour moi qui suis maman et qui devrait montrer l'exemple mais rien que d'imaginer son visage décomposé face au serveur me procure une satisfaction dont je ne devrais pas être fière ( je vous arrête tout de suite, je suis fière).

Certains jours sont meilleurs que d'autres. Un jour, vous êtes tranquillement chez vous ou dehors, à profiter de la vie grâce au soleil d'été. Et le jour suivant, la chance vous a laissé tomber, vous êtes dépassé par vos problèmes et rêvez d'être demain.

C'est exactement ce qu'il m'arrive (je crois que le karma s'est retourné contre moi).

Dès le matin, j'ai su que cette journée serait désastreuse. Ma tasse de café s'est renversée sur mon chemisier préféré, Azalea a été en retard à l'école car elle a encore perdu sa trousse et la file d'attente au magasin a duré plus de trente minutes à cause d'un article non-pesé.

Et maintenant, voilà que ce fichu fil se casse net, alors que cela fait plus d'une heure que j'essaye de recoudre les trous du jean d'Azalea. Il a d'abord fallut que je cherche la boîte à couture, trouvé la bonne nuance de bleu et enfilé le fil dans le minuscule trou de l'aiguille ( action qui m'a pris cinq minutes). Passant et repassant le fil noir dans le tissu du vêtement, je m'appliquais tant bien que mal à ce que le résultat soit parfait.

Je suis forte dans bien des domaines : écrire des romans, changer une roue, aider ma fille dans ses devoirs, conseiller ma meilleure amie dans ces conquêtes du soir, passer les niveaux difficiles dans Candy Crush... Mais la couture ne fait pas partie de mes succès, je n'arrête pas de me piquer le doigt (à croire que je suis la Belle au Bois Dormant) et ce fil s'assure de s'emmêler tous les trois aller-retours.

Immobile face à mon fil cassé, je le fixe, les yeux éberlués pendant plusieurs secondes avant de laisser tomber. Tant pis, la couture ça sera pour une autre fois.

Hors de question que je reprenne tout à zéro !

Je range les bobines de fils dans le kit et m'attaque à une autre tâche : le repassage. Comme d'habitude, je déplie la table à repasser devant la télévision, puis je ramène mon panier de linge fraîchement sorti de son sèche-linge.

J'allume la télé et commence à faire chauffer le fer, je tombe sur une chaîne que j'apprécie, qui ne parle que des documentaires que personne ne regarde (à part les personnes âgés de quatre-vingt ans). J'écoute d'une oreille distraite jusqu'à ce qu'un passage attire mon attention.

— Nous avons découvert un secret que beaucoup d'entre vous ignorent encore. Il est resté enfoui durant des années, mais ce soir, nous levons le voile : le grand Alexandre Dumas, l'auteur de classiques français tels que *Les Trois Mousquetaires* et *Le Comte de Monte-Cristo*, était de couleur de peau noire. Il n'était pas un Français tel que certains des souverains de l'époque l'auraient imaginé. Celui qui a rédigé certaines des plus grandes œuvres de notre littérature venait d'un monde et d'une culture que beaucoup de ses lecteurs méprisaient, sans savoir que ceux qu'ils considéraient comme des ennemis leur avaient apporté réflexion et pouvoir.

Je trouve ce passage de l'histoire fascinant, moi-même n'en savait rien, pourtant il n'est pas rare de trouver le portrait de cet illustre écrivain. Mais même dans ces cours littéraires, Alexandre Dumas est représenté par un homme blanc. Un homme qui a été, en fin de compte, enlevé de sa culture et de sa religion pour entrer dans les cases de la société française et de ses congénères.

Heaven.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant