Chapitre 6

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"..Tra, Astra." appela une voix.
Astra ouvrit les yeux doucement et aperçut Kira qui se trouvait à son chevet.
"Ça va mieux ?"
La patiente hocha lentement la tête pour acquiescer et se redressa sur ses coudes.
"Désolé de t'avoir inquiétée. En plus tu as dû t'occuper de moi je suis désolée."
"Ne t'excuse pas pour si peu enfin, ce n'est pas y'a faute. Mais tu avais l'air vraiment apeurée dans la forêt. Tu veux en parler ?"
"Je...." commença la jeune fille avant de se rattraper. "Pas vraiment. Juste, j'ai été attaqué par des chimères étant petite, c'est, une sorte de traumatisme que je ne pensais pas encore avoir."
Honteuse et gênée, Astra détourna le regard et resta silencieuse. Kira lui fit un rapide câlin et sortit de l'infirmerie.
"Repose-toi bien, j'ai entendu que ton oncle était en chemin."
Astra hocha lentement la tête et Kira ferma la porte. Une fois seule, l'adolescente souffla et replia ses genoux sur elle-même. Son oncle allait arriver, il allait voir à quel point elle était pitoyable, il allait remarquer qu'elle avait réduit leurs en miettes.
Des larmes commençaient à rouler le long de ses joues alors que quelqu'un frappa à la porte. La jeune fille essuya rapidement ses yeux puis s'éclaircit la gorge.
"Entrez."
Une femme qu'elle ne connaissait pas entra, précédant son oncle, Liam et un homme dans la force de l'âge. La ressemblance entre les deux était flagrante, sûrement père et fils. Mais la différence majeure entre eux était sans conteste leurs yeux. Ceux de l'adulte étaient d'un brun chaleureux et souriant alors que les yeux bleus de Liam étaient vides et traduisaient très bien le fait qu'il n'avait aucune envie d'être là. Il souffla sur une mèche noire qui était devant son visage avant de croiser le regard de la jeune fille. Il détourna immédiatement les yeux d'un air dégoûté.
"J'espère que tu es bien reposée, commença la femme, je me nomme Audrey et je suis en terminale. Je suis spécialisée en soin. Je me suis occupée de toi, mais je n'ai pas pu faire grand-chose. Ça va mieux ?"
"Oui, beaucoup mieux merci. Je me sens revigorée."
La jeune femme hocha la tête et relâcha ses épaules de soulagement.
"Mon travail ici est fini, je vais vous laisser. Liam, Harold, Mr Pars." finit-elle en s'inclinant légèrement devant le père de Liam.
Harold s'approcha de sa nièce alors que celle-ci réfléchissait au fait qu'Audrey avait appelé l'homme par son nom de famille et pas son oncle.
Le moment qui suivit se passa en automatique, Astra ne faisait pas vraiment attention à ce qui se passait autour d'elle.. Ils étaient là pour prendre de ses nouvelles, voir comment elle allait, son oncle s'est excusé pour ne pas avoir été là pendant sa crise, se fondant en excuse comme quoi il aurait dû savoir que ça pouvait arriver avec ce qui s'était passé il y a cinq ans.
Mais la jeune fille ne réagit qu'à la mention de l'accident. Sortant de sa transe, elle demanda brusquement à son oncle pourquoi il en parlait si ouvertement devant les Pars.
"Ce sont de vieux amis, dit-il en regardant l'homme derrière lui. Marc et Liam savent très bien ce qu'il s'est passé, ils nous ont même aidés plus d'une fois, dans le passé et le feront encore dans le futur. Ne t'en fais pas."
"Donc ça veut dire qu'il savait ? Depuis le début ? Mais pourquoi est-il si rude ? Je ne cherche pas sa pitié mais pourquoi ?" pensa immédiatement Astra.
Liam claqua sa langue contre son palais en signe de mécontentement. La jeune fille se recroquevilla sur elle-même, intimidée par sa taille. Peut-être que ça datait d'avant. Peut-être avaient-ils dû se forcer à se parler pour faire plaisir à leurs parents ?
"Je n'ai pas encore eu l'occasion de me présenter correctement, dit Marc, en parlant pour la première fois. Je m'appelle Marc Pars, je suis le père de cet énergumène nommé Liam et le second de la famille. Cela m'attriste de voir que vous ne vous souveniez pas de moi, ni de ma famille."
Astra fut secouée d'un léger frisson et se tenait immobile, incapable de bouger. Le ton mielleux de l'homme la mettait mal à l'aise, lui faisait peur et son instinct lui criait de ne pas se fier à lui. Alors sa bouche se fendit en un sourire forcé et elle répondit calmement qu'elle était navrée.
La discussion continua un moment avant qu'Astra ne réalise qu'on attendait une réponse d'elle.
"Pardon, vous pouvez répéter ?"
Son oncle sourit chaleureusement et recommença à parler.
"Ça ne fait rien. Je disais, que dirais-tu de faire un tour à la résidence familiale avec moi ? Quelques semaines, pas plus d'un mois. Ça pourrait débloquer certains de tes souvenirs manquants et on pourrait s'entraîner ensemble, revoir les bases et tu pourrais t'améliorer mentalement."
Les yeux d'Harold brillaient d'excitation, montrant à quel point il était sincère.
"Mais la résidence a été réduite en poussière et puis, elle est reculée de tout. Ça prendra des jours pour y aller."
"Tout n'a pas brûlé, répondit Harold, toute lueur de joie avait disparu de son regard. Il reste encore une partie originale. Et le reste à été reconstruit, enfin, une grande partie. Et puis c'est l'endroit idéal pour travailler les capacités innées, ou même les autres. Enfin, pour le trajet, les Pars nous ont proposé leur aide. Alors ?"
Astra hocha la tête en souriant légèrement. Elle devait passer outre ses souvenirs douloureux et avancer. Elle devait s'entraîner et au moins retrouver son niveau d'il y a cinq ans avant de se représenter ici.
"Bien, voilà qui est réglé. Liam, tu sais ce que tu dois faire. Mlle Astra, nous avons pris la liberté de préparer des vêtements pour vous, ma femme ainsi que ma fille s'en ont occupée. Alors si vous vous sentez en forme, pouvons-nous y aller ? J'ai un emploi du temps chargé."
Astra s'asseya sur le rebord du lit et essaya de se lever. Mais ses jambes refusèrent de la soutenir et elle tomba devant elle. En un instant, Liam se trouvait devant elle et la rattrapa avant de la serrer contre lui. Son père souriait en voyant son fils serrer la jeune fille comme s'il la  protégeait et Harold avait l'air soulagé. Puis, Liam prit conscience de ce qu'il avait fait. Il remit Astra sur ses pieds puis partit rapidement de l'infirmerie en claquant la porte.
Marc s'approcha en souriant d'Astra et lui tendit son bras. La jeune fille dut se faire violence pour ne pas reculer et prit le bras qu'on lui offrait. Son oncle s'approcha et l'infirmerie disparut pour être remplacée par le domaine familial des Rekker. Ils se trouvaient dans une cour intérieure. Il y avait une gargouille au milieu d'une fontaine et quatre bancs qui l'entouraient. Le bâtiment formait un "u" autour de cette cour, et le côté vide donnait sur un vaste terrain d'entraînement.
Astra se remémora le temps qu'elle avait passé là-bas, s'attristant sur le fait que plus rien ne lui restait excepté certains souvenirs.
Marc tira ensuite sa révérence, rappelant qu'ils pouvaient l'appeler lui ou sa famille à tout moment puis disparut, ne laissant qu'un léger courant d'air.

***

Astra déambulait dans le domaine, dans les couloirs mais aussi dans les pièces reconstruites à l'identique. Elle se baladait sur le terrain d'entraînement, elle s'arrêtait en se remémorant quelques souvenirs et se dirigeait lentement vers le mémorial. Les corps avaient été brûlés et les cendres dispersées. Elle se recueillit là jusqu'à en perdre la notion du temps
Après plus de trois heures, elle s'arrêta sur un des bancs de la fontaine, dos à la gargouille. Alors son oncle s'assit à ses côtés.
"Je... j'aimerais bien revoir les sous-sols. Mais je ne suis pas sûre d'y arriver." Commença timidement Astra. "Je me souviens de la théorie, il faut demander la permission à la gargouille mais, je viens à peine de retrouver ma vision des ondes et mes souvenirs..."
"Alors ce sera ton premier entraînement." répondit Harold en souriant gentiment. "Concentre-toi sur ce que tu veux. Tu veux pouvoir transmettre un message. Quel est ce message ?"
"Statue protectrice, moi, Astra Rekker, te demande de m'ouvrir la voie."
"Bien, maintenant, répète le en boucle dans ton esprit et imagine le partir de plus en plus loin jusqu'à atteindre la gargouille."
Astra ferma les yeux et répéta en boucle le message tout en imaginant la phrase partir vers la statue.
"Statue protectrice, moi, Astra Rekker, te demande de m'ouvrir la voie."
"Moi, la gargouille des Rekker, te reconnais, mon enfant."
Astra sursauta en entendant la voix résonner dans son esprit et ouvrit brusquement les yeux. Elle vit la statue pivoter pour laisser une entrée sur un escalier qui descendait et elle vit aussi son oncle, qui retenait difficilement son rire.
La jeune fille fit la moue et se dirigea vers les sous-sols, suivie par Harold, qui se calmait doucement.
Alors qu'elle descendait, elle laissait ses mains glisser contre les murs de pierres froids. Des flashs revenaient devant ses yeux, des parties de cache-cache avec Tim et ses cousins, des punitions aussi. Elle frissonna en repensant aux heures qu'elle avait passé seule ici, incapable de sortir par elle-même.
Astra était arrivée en bas de l'escalier et avançait toujours, chaque porte réanimait un souvenir enfui dans sa mémoire. Des larmes menacçaient de couler mais elle n'en tint pas rigueur. Bientôt, il ne resta plus qu'une salle, tout au fond du couloir.
La porte en métal était fermée, comme si elle n'avait pas été ouverte depuis cinq ans, ce qui était sûrement le cas. L'adolescente dût forcer la porte pour que celle-ci s'ouvre en grinçant. Le souffle manqua à la jeune fille. Devant elle se trouvait une petite pièce composée d'un lit, d'une table, d'une chaise et d'une armoire.
Les jambes tremblantes, Astra s'approcha du lit. Derrière, sur le mur, il y avait trente entailles gravées au couteau. La jeune fille frôla les entailles de ses doigts avant de tomber sur ses genoux, en pleurs. Les larmes roulaient sur ses joues alors qu'elle se rappelait d'où venaient les entailles.
Elle se revoyait, cinq ans plus tôt, graver difficilement le mur chaque matin. Enfin, ce qu'elle croyait être le matin. Les derniers mots de son père flottaient dans son esprit.
"Attends trente jours. Harold revient dans trente jours..."

Astra RekkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant