V.Julie

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La nuit tombe et je suis de plus en plus inquiète. C'était elle. Allongée sur le sol, sans bouger, sans sourciller, et mon père... je l'ai déjà vu énervé, mais jamais à un si haut point. J'ai peur, pour elle, mais aussi pour moi. Quand il veut quelque chose, il l'obtient, peu importe le prix à payer pour l'avoir. Il va la détruire, je le ressens, il va tout faire pour ne plus jamais en entendre parler, quitte à appeler n'importe qui pour l'enfermer et prouver qu'elle est néfaste pour moi ainsi que le monde entier. Sa fuite alors qu'il était interrogé prouve tout, il est prêt à exploser...

Je sais très bien qu'il va me surveiller deux fois plus qu'avant, c'était déjà invivable jusqu'aujourd'hui, mais là très clairement, je ne sais pas comment je vais tenir. Cela va être comme à l'armée, chaque fait, chaque geste sera contrôlé. Plus de téléphone ni d'ordinateur ou de tablette dans les alentours, plus aucun contact avec l'extérieur sans sa présence. Un réel retour en arrière à une époque totalement décalée de la nôtre. Mon frère, par ma faute, va payer pour mes conneries, mais surtout mon incapacité à contrôler mes sentiments. Il m'a pardonnée la première fois que notre famille a explosé, mais là, sincèrement je doute qu'il le refasse, j'ai poussé le bouchon trop loin en la faisant venir ici, j'ai transgressé toutes les règles, il va m'en vouloir jusqu'à la fin de sa vie.

Perdue dans mes pensées tragiques, je n'ai pas entendu ma mère rentrer, elle m'appelle pour manger, mais je ne descends pas. La situation va totalement déraper et tout le monde va finir dans un état que je n'ai jamais souhaité. Une discussion débutera normalement, mais un éclat de mots suivra et nous divisera, on va réduire nos liens en disputes quotidiennes, en fissure morale. Pourquoi ne peuvent-ils pas comprendre qu'une amie peut être à nos côtés malgré une certaine distance ?

J'entends quelqu'un monter. Au pas, je reconnais ma mère, je me couche rapidement sur le lit, je ferme les yeux et fais semblant de dormir, je ne suis pas prête à l'affronter. Il a beau être à peine vingt et une heures trente, j'ai le droit de me reposer et de refuser de manger, même après mon entraînement intensif pour le gala de danse. Je l'écoute s'approcher doucement de moi, elle soupire, je suis certaine qu'elle sent la tension qui se propage dans l'air de la maison, et qui nous engouffre en envahissant chaque infime partie des pièces, mais comme à son habitude, elle ne dit rien et se contente de laisser faire. Elle ressort et ferme la porte. Sans m'en rendre compte, je m'endors de fatigue.

*****

Le sommeil léger, je me réveille. Un mal de crâne me guette, et mon esprit est de très très bonne humeur. Pas encore sortie du lit, je suis prête à déclarer la guerre s'il le faut. Elle est là, elle a besoin de moi, alors je serai là, je l'aiderai à passer ce cap douloureux, je ferai de mon mieux pour la faire avancer, mais surtout résoudre cette souffrance qu'elle traverse. Ma famille ne comprendra jamais et sous-entendra que ce qu'il lui arrive est de ma faute, alors que cela fait un moment qu'elle se décompose, bien avant mes « erreurs ».

Je sors enfin de mon lit, prends des affaires propres, une serviette, et quelques trucs de filles. Le tout dans un sac, je me prépare, puis descends dans la cuisine m'emparer de quelques biscuits qui traînent dans les placards. Une bouteille d'eau dans la main, je sors et débute mon chemin.

Personne ne m'a vue.

La musique me berce, mes écouteurs m'emmènent dans un monde où moi seule me trouve, je marche tranquillement et me laisse porter par ce moment, je suis ici et ailleurs en même temps, comme perdue, égarée, mais certaine du chemin à prendre. Un titre parvient à mes oreilles, une première larme coule sur ma joue, elle se nomme « Une pensée ». Bourrée de sentiments, de véridicité, elle me rappelle le commencement, lorsque Anna et moi on s'est connues. Je réfléchissais à tout et à rien quand un klaxon me fait sortir de ma rêverie.

Sourire forcéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant