Sourire forcé

I. Anna- 1

Mardi 29 octobre 2019,

Suis-je soudain une inconnue, ou bien un fardeau oublié un instant ? Mon regard s'attarde sur elle en cherchant la compréhension.

À ma grande surprise, je suis face à une personne changée, transformée, presque sublimée. Je l'observe de haut en bas, et réalise enfin. Aucun jogging, ni large pull, ni casquette, ou baskets hors de prix... Non. Seule une robe accompagnée de magnifiques chaussures à talons. Mes yeux clignent plusieurs fois avant de croiser son regard. Son maquillage trop osé me coupe le souffle, sa coiffure trop plate et lissée me laisse sur le cul, je ne reconnais plus ma sœur.

Pourtant, tous ces efforts n'effacent pas cette naïveté et cette stupidité qui la caractérisent. Rester la même personne tout en étant à ce point métamorphosée, j'en reste outrée.

Elle m'ignore, et je ne fais qu'apprécier.

Le dos tourné, je m'habille avec classe et simplicité. Le cœur craintif, les sentiments partagés, je descends les marches avec un regard attentif à la limite de l'appréhension. Un jour parmi tant d'autres, ou LE jour d'exception, je ne sais plus s'il est un jour important, ou s'il n'est qu'une totale illusion.

Ma sensibilité reprend le dessus. Suis-je en train de réellement espérer un quelconque changement, ou suis-je certaine du déroulement des évènements ? Mon âme et ma conscience espèrent intensément, tandis que mon esprit sait.

Jamais ce jour ne sera l'exception.

Une boîte est posée sur la table, nul mot, nulle signature. Seule une forme soigneusement emballée, jusqu'au raffinement du détail. Une confusion s'installe, me suis-je trompée sur leur personnalité ? Je l'ouvre avec un soupir d'hésitation. Un coffre à bijoux, d'un bleu turquoise de marais, intensifié par quelques éblouissantes paillettes argentées. L'intérieur, tout aussi valorisé, s'accompagne d'un discret miroir ; autant dire le cadeau parfait.

Une multitude de sentiments m'envahissent, je suis heureuse, et surprise à la fois. Jamais je n'ai reçu une telle attention.

Tic, Tic, Tic...

Toute ma curiosité est soudainement adsorbée par ce bruit, le four n'est pas allumé, les plombs n'ont pas sauté, l'horloge tourne comme à son habitude ; au ralenti. Tout est parfaitement normal. Tout. Sauf cette boîte.

Je la fixe en reculant d'un pas, aucune clé à mettre en marche, aucune musique à actionner, aucune petite danseuse à contempler.

J'écoute.

L'écrin dans mes mains, je cherche d'où cela provient.

Jamais je n'aurais dû.

Le hurlement intense de ma voix fait jouir ma sœur assise sur l'escalier. Mon cœur bat à tout rompre, mon souffle accéléré m'empêche de respirer correctement, la peur et la fureur se voient dans mon comportement. Mes mains sont moites. Mes lèvres entrouvertes, je peine à reprendre le contrôle.

Il gesticule et, avec son sourire malicieux, il semble s'apprêter à me sauter dessus. Il m'observe et poursuit son tourbillonnement, il continue de me traumatiser... Les larmes aux yeux, je me défends. Une première claque, une deuxième, suivie d'un coup de pied.

À terre, embrassant le sol, son ressort explose et vole quelques mètres plus loin. Une horreur de clown à la con !

En pleurs, incapable de dire un mot, inapte à réfléchir correctement, mes pulsions me dirigent vers ma chambre, je m'écrase contre ce lit, contre ce coussin. Elle me suit et pouffe en se tenant le ventre. J'aurais dû m'en douter. Une rage folle, une haine puissante naît en moi, je n'ai qu'une envie : lui rendre la peur de ma vie par un seul regard empli de menaces.